L’obésité n’est pas qu’un excès de poids : c’est une maladie chronique
28 mai 2025


Ce mois-ci pour sa Chronique santé, le parrain de la FRM Thierry Lhermitte s'est intéressé à l’obésité, qui n’est pas qu’un excès de poids : c’est une maladie chronique, complexe, inflammatoire, souvent irréversible.
Aux côtés de la professeure Karine Clément à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, Thierry Lhermitte explore les pistes de recherche qui redonnent espoir aux patients.
Médecin spécialisée en nutrition, la Professeure Karine Clément suit à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, des patients atteints d’obésité sévère et en parallèle elle dirige une unité de recherche appelée Nutriomique, rattachée à l’Inserm et à Sorbonne Université, qui étudie l’obésité et les maladies métaboliques.
La FRM soutient depuis des années ses recherches.
Thierry Lhermitte : L’obésité, c’est un excès de masse grasse qui a des conséquences sur la santé. Elle est définie par la valeur de l’index de masse corporel, le fameux IMC, qui est calculé en divisant le poids (en kilos) par la taille (en mètres) au carré. Au-delà d’un IMC de 30, on est considéré comme souffrant d’obésité.
En réalité c’est une définition ancienne qui ne reflète pas forcément la réalité médicale, car les risques sont différents selon la répartition du tissu gras… Mais ça donne une indication. Les chiffres de l’obésité sont en augmentation inquiétante : en 2022, une personne sur 8 dans le monde était obèse ! En France, ça concerne 18 % de la population, ça fait 8 millions de personnes, avec de plus en plus de formes sévères.
Avant tout l'obésité est une maladie, c’est peut-être le message le plus important ! Ensuite, c’est une maladie chronique, qui est due à l’altération du tissu adipeux, le tissu gras. Ce tissu est essentiel au bon fonctionnement de notre corps, car il est chargé de stocker le gras et de le restituer quand on a besoin d’énergie, par exemple lors d’un jeûne.
C’est complexe, et ça fait l’objet des travaux de l’équipe de Karine Clément depuis 20 ans maintenant.
On sait aujourd’hui que le tissu gras est un organe à part entière, qui communique avec les autres organes du corps via des hormones avec le cerveau, le foie, l’intestin, le cœur.
Dans l’obésité, ces organes deviennent malades et les dialogues sont perturbés et les conséquences sont importantes, puisque cela entraîne de nombreuses complications, notamment :
On ne comprend pas tout encore, mais en tout cas l’obésité ne s’explique pas seulement par le fait de trop manger et de ne pas assez bouger !
C’est dû à un ensemble de facteurs, une interaction entre une susceptibilité individuelle, c’est-à-dire le terrain génétique et l’environnement, y compris nos comportements. Il existe des mutations génétiques en cause, très rares, mais qui ont permis de comprendre certains mécanismes de l’obésité.
Karine Clément a été parmi les premières à découvrir un gène impliqué, en 1998 : c’est le récepteur de la leptine, qui est situé dans le cerveau.
La leptine est une hormone synthétisée par le tissu gras, qui agit comme un chef d’orchestre. Elle va jusqu’au cerveau, où elle se fixe sur ce récepteur. Ça a 2 effets : on limite sa consommation alimentaire et la dépense d’énergie est augmentée.
Chez les personnes dont le récepteur est muté, la leptine ne peut plus agir et la communication est coupée entre le tissu gras et le cerveau. Résultat : ce sont des personnes qui ont toujours faim et c’est irrépressible. Ils développent alors une obésité très sévère. Dans ce cas précis, grâce aux recherches fondamentales sur ces mécanismes, un médicament ciblé a pu être développé. Une centaine de patients sont aujourd’hui traités avec succès, il permet une perte de poids conséquente et une nouvelle vie pour les patients concernés.
Malheureusement, ce que Karine Clément a aussi découvert, c’est que même après un traitement, le tissu gras subit des modifications qui aujourd’hui restent irréversibles. C’est ce qui fait que la maladie peut récidiver, avec un effet yo-yo redoutable.
D’abord les cellules qui stockent le gras deviennent plus grosses. Il se développe aussi une fibrose, c’est-à-dire qu’il se forme un tissu rigide, le même tissu que lorsqu’une blessure cicatrise. Ce tissu fibreux envahit le tissu, entoure les cellules grasses. Il y a aussi des cellules immunitaires qui produisent une inflammation autour des cellules grasses, qui altèrent les vaisseaux sanguins du tissu et provoquent un vieillissement précoce.
Au final c’est toute la communication entre les cellules du tissu qui est perturbée. Et au-delà, celle avec les autres organes, puisqu’il y a aussi beaucoup d’autres anomalies associées : une perte de diversité du microbiote intestinal, l’accumulation de gras dans le foie, autour du cœur, etc.
Elles sont très nombreuses !
Déjà du côté de la clinique, un nouveau traitement est à l’essai pour tenter de faire diminuer la fibrose et l’inflammation.
Du point de vue fondamental, l’équipe essaie de comprendre en détail les mécanismes impliqués, notamment le rôle des différentes cellules immunitaires dans la maladie, le rôle du microbiote intestinal, du mode de vie.
L’objectif est d’essayer de redonner au tissu adipeux toute sa fonctionnalité pour qu’après le traitement il joue à nouveau pleinement son rôle et que la maladie ne puisse pas récidiver.
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