Nos bébés vont-ils finir pleins de nanoparticules de titane ?


18 juin 2025
Pour sa Chronique Santé mensuelle dans l'émission « Grand Bien Vous Fasse ! » sur France Inter, notre parrain Thierry Lhermitte a visité l’Institut des Neurosciences Cognitives et Intégratives d'Aquitaine, à Bordeaux, où deux chercheuses unissent leurs expertises en biologie et en droit pour explorer les impacts de l’environnement sur la santé humaine.
Les équipes de deux chercheuses se sont associées pour travailler sur des questions d’environnement et de santé : Muriel Thoby-Brisson, directrice de recherche à l’Inserm, à la tête d’une équipe intitulée « Développement et Neurobiologie des réseaux neuronaux », et Marion Tissier-Raffin, maîtresse de conférences en droit public et chercheuse au Centre de recherche et de documentation européennes et internationales.
La FRM soutient depuis plusieurs années des recherches sur l'impact de l’environnement sur notre santé en associant la biologie aux sciences humaines et sociales, pour une vision plus complète de la question. Ces équipes étudient les effets de nanoparticules métalliques sur le fonctionnement du cerveau, avec un aspect juridique qui concerne le droit fondamental à un environnement sain, l’un des piliers de la politique de santé en France.
Thierry Lhermitte : Ce sont les nanoparticules de dioxyde de titane, des molécules « incontournables » de notre quotidien ! On utilise le dioxyde de titane pour ses nombreuses propriétés (coloration, filtrage des UV, etc.). On le retrouve partout, depuis les équipements électroniques comme la télé ou les panneaux solaires, en passant par les textiles, les peintures, les emballages jusqu’aux cosmétiques, au dentifrice et aux médicaments…
On l’utilise sous forme de particules extrêmement petites, des nanoparticules, qui mesurent moins de 100 nanomètres. 1 nanomètre, c’est un milliardième de mètre. Pour se faire une idée, c’est la taille d’une orange comparée à celle de la Terre. C’est aussi la taille des virus.
Oui, via la respiration, l’ingestion, le contact avec la peau. C’est une des nanoparticules les plus utilisées en France. Le problème potentiel, c’est que cette très petite taille leur permet de franchir les barrières biologiques qui protègent l’organisme de l’extérieur : au niveau des poumons, du tube digestif, du cerveau et même du placenta pendant la grossesse. C’est pourquoi l’équipe de Muriel Thoby-Brisson cherche à évaluer les conséquences chez des souris exposées à des doses comparables nanoparticules de dioxyde de titane durant la gestation et l’allaitement.
Chez les souriceaux il y a des troubles respiratoires, des troubles de la vocalisation (de la communication), une prise de poids diminuée, avec des anomalies visibles dans les zones correspondantes du cerveau. Et certains de ces effets sont même transmis à la génération suivante, même sans exposition aux nanoparticules.
Ces résultats chez l’animal interpellent, mais attention on ne sait pas encore si on peut les transposer en santé humaine… On sait aussi qu’on élimine la quasi-totalité des nanoparticules de dioxyde de titane, mais il reste une petite fraction qui s’accumule probablement dans le foie ou les reins.
Considérant les risques sanitaires suspectés et les multiples sources d’exposition à ces nanoparticules, les juristes se sont penchés sur les réglementations en vigueur. Et d’abord sur la notion d’exposome. Qu’est-ce que c’est ? Cette notion est définie dans le Code de la santé publique comme l’ensemble des expositions sur la vie entière qui peuvent influencer la santé. Il n’y a pas de définition européenne.
Du côté des nanoparticules c’est pareil, il y a une incertitude juridique. Il y a des recommandations de la Commission européenne pour définir de manière transversale les nanoparticules, mais qui ne sont pas contraignantes. Et en plus qui font débat, même parmi les scientifiques. De plus, les définitions et le vocabulaire varient selon chaque réglementation et donc selon le type de produit : cosmétique, emballages, produits chimiques, pesticides, dispositifs médicaux, etc. !
La conséquence, c’est que les règles juridiques qui s’appliquent pour la mise sur le marché des produits contenant des nanoparticules sont très différentes selon ces produits et contiennent des lacunes. Point positif quand même : devant les suspicions sur la santé, le dioxyde de titane a été retiré de l’alimentation en France dès 2020, puis en Europe en 2022. Pour les cosmétiques c’est aussi davantage réglementé, les produits sont évalués avant la mise sur le marché. C’est autorisé notamment pour les filtres solaires.
Oui, car c’est un sujet très vaste et complexe. En s’appuyant sur les résultats produits par leurs collègues scientifiques, les juristes travaillent aujourd’hui à proposer une définition harmonisée des nanoparticules.
Le but est d’aboutir à des procédures d’évaluation spécifiques pour tenir compte du cumul d’expositions tout au long de la vie. L’objectif final est de garantir l’information des citoyens et de mieux protéger notre santé et celle des générations futures.
Non seulement elle finance les chercheurs, mais elle relaie aussi leurs alertes sur ces questions majeures de santé. À ce titre, il faut lire sa tribune récente sur les polluants chimiques, publiée dans L’EXPRESS.
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