Nous avons montré chez l’animal que l’exposition à un cocktail de pesticides à des doses autorisées par la réglementation, c’est-à-dire telles qu’on les retrouve dans nos aliments, a un effet sur la sévérité des allergies.

Nous avons exposé des souris en période périnatale (reproduction, gestation, allaitement) à un cocktail de six pesticides via l’alimentation - les six pesticides les plus couramment employés pour la culture de fruits et légumes. Les résultats sont clairs : les animaux exposés ont développé des symptômes allergiques (détresse respiratoire, maux de ventre, etc.) plus sévères et une inflammation plus importante que les souris non exposées. L’asthme allergique et l’allergie alimentaire ne sont pas plus fréquents mais ils sont plus graves.

La période périnatale semble cruciale. Les souris ont été exposées aux pesticides via leur alimentation avant et pendant l’accouplement, au cours de la gestation et l’allaitement, et les petits ont été exposés durant la petite enfance. Nous ne savons pas précisément quelle fenêtre est la plus à risque (gestation, lactation ou petite enfance) mais c’est bien l’exposition durant cette période qui entraîne l’aggravation des symptômes allergiques chez la descendance. Nous avons testé une exposition sur l’animal à l’âge adulte : les résultats ne semblaient pas aussi importants.

Le taux de fertilité était plus faible chez les souris exposées. Nous avons aussi montré que les pesticides ont un effet sur la qualité du microbiote : les micro-organismes sont aussi nombreux mais leur richesse et leur diversité sont diminuées.

Nous avons évalué l’exposition aux pesticides de dyades mère-enfant. Les doses des mères et des enfants, qui se sont révélés avoir été exposés, ont été rapportées. Nous les suivrons dans les années à venir et étudierons le développement de l’allergie depuis la diversification alimentaire (6 mois) jusqu’aux 7-8 ans. Nous n’avons pas encore de résultats.

Nos travaux sont étudiés par des groupes d’experts de l’Anses et nous avons un travail d’appui aux politiques publiques (en particulier au niveau européen) pour émettre un avis sur les seuils de toxicité des contaminants alimentaires. Prenons l’exemple du bisphénol A. En 2020, le seuil tolérable de ce composé dans les produits en contact avec les aliments a été divisé par 10 parce que des études ont montré que la dose réglementaire était beaucoup trop élevée. Si l’on prend en compte l’effet cocktail, c’est-à-dire l’exposition simultanée à plusieurs pesticides, la dose tolérable pourrait être revue à la baisse.

Il existe un verrou technologique : avec l’effet cocktail, les seuils de toxicité sont si faibles que nos outils ne nous permettent pas de détecter tous les pesticides à une si faible échelle. On sait pourtant qu’en s’accumulant, ils auront un effet sur la santé. C’est ce verrou technologique qui, entre autres, freine l’évolution de la réglementation.