Tribune - Impact des polluants chimiques sur la santé : la science alerte, la réglementation doit suivre !
04 juin 2025


04 juin 2025
A l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement, le 5 juin, la Fondation pour la Recherche Médicale lance un appel urgent aux pouvoirs publics. Il est temps de tenir compte des nombreuses données scientifiques qui démontrent l’impact néfaste des polluants chimiques sur notre santé.
A travers la publication d’une tribune parue sur le site de l'Express, la FRM formule des recommandations concrètes.
Les politiques publiques doivent évoluer et prendre impérativement en compte les données scientifiques afin de protéger notre santé, celle de nos enfants et celle des générations futures. Nous ne pouvons plus ignorer les alertes que nous lancent les scientifiques !
Tribune
L’impact de la pollution chimique sur notre santé ne fait aujourd’hui aucun doute. L’Organisation mondiale de la Santé estime ainsi que 24 % des décès et 25 % des pathologies chroniques dans le monde peuvent être attribués à des facteurs environnementaux (qualité de l’air, de l’eau, alimentation, exposition aux produits chimiques…). Les études épidémiologiques ou toxicologiques solides se multiplient, établissant un lien entre l’exposition à certains polluants et des maladies chroniques comme les cancers, les maladies neurodégénératives, les maladies cardiovasculaires, l’autisme, l’asthme…, mais aussi l’infertilité, l’obésité, le diabète ou certaines anomalies congénitales.
Pourtant, les agences réglementaires européennes et françaises tardent à intégrer ce corpus scientifique dans leurs décisions, compromettant notre santé actuelle et future. C’est dans ce contexte que nous, Fondation pour la Recherche Médicale, 1er financeur caritatif généraliste de la recherche biomédicale française, ayant fait du domaine « Santé et Environnement » un axe prioritaire (avec 83 équipes de recherche soutenues et 14,8 millions d’euros investis depuis 2019), rappelons la nécessité de prendre en compte l’ensemble des données scientifiques issues des laboratoires de recherche publics qui démontrent l’effet néfaste de polluants chimiques sur notre santé.
Alors que tous les milieux, terrestres et aquatiques, sont contaminés par des pesticides 1, et que leurs effets sur la santé sont de plus en plus documentés, les alertes des scientifiques ne sont pas entendues. Une expertise collective de l’Inserm de 2021 2, s’appuyant notamment sur plus de 5 300 documents scientifiques, a confirmé les présomptions fortes de lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et certaines pathologies comme des cancers ou la maladie de Parkinson (d’ailleurs inscrite au tableau des maladies professionnelles du régime agricole depuis 2012). Quant à l’exposition professionnelle ou domestique (via les pyréthrinoïdes par exemple, des insecticides largement utilisés) de la mère pendant la grossesse ou des enfants, elle augmenterait le risque de leucémies, d’altération des capacités motrices, cognitives, de maladies comportementales comme l’anxiété chez les enfants 2.
Les effets en population générale sont difficiles à mettre en évidence du fait de la pluralité des expositions et du suivi nécessaire sur plusieurs années, voire dizaines d’années. Des premiers résultats issus de la cohorte française NutriNet indiquent déjà que les personnes ayant une alimentation bio - dépourvue de pesticides - présentent un risque diminué de développer une maladie métabolique 3,4,5 ou certains cancers 6.
Nous ne pouvons plus nous permettre d’accumuler les preuves épidémiologiques sans engager des actions concrètes protectrices. D’autant que le changement climatique conduit à l’emploi de davantage de pesticides 7. En dehors de ces produits, bien d’autres substances chimiques se retrouvent dans notre environnement : particules fines et ultrafines, micro et nanoplastiques, qui eux-mêmes captent et accumulent les polluants chimiques, PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées, des « polluants éternels ») dont une récente évaluation de l’Agence européenne pour l’environnement montre la présence en quantité supérieure au seuil toléré dans la plupart des cours d’eau, eaux côtières et lacs en Europe 8. Des alertes inquiétantes, d’autant plus que les effets sanitaires de ces expositions multiples sont susceptibles de se combiner (« effet cocktail »).
Alors même que les données scientifiques probantes s’accumulent, les réglementations européennes et françaises semblent les ignorer. Résultat : les effets cumulés des polluants chimiques ne sont pas considérés et les limites maximales en résidus de produits phytosanitaires dans l’alimentation ne prennent pas en compte ce risque potentiel. D’autres points posent question, comme l’utilisation de substances interdites sur notre territoire mais contenues dans des denrées dont l’importation reste autorisée, comme certains dithiocarbamates ou encore néonicotinoïdes dont l’usage pourrait être réintroduit en France par le vote du projet de loi Duplomb. Sans oublier le renouvellement par l’UE d’autorisations de mise sur le marché de substances potentiellement nocives pour la santé humaine : jusqu’en 2033 pour le glyphosate, reconnu perturbateur endocrinien, toxique pour le neurodéveloppement et classé comme cancérogène probable, jusqu’en 2039 pour le captane, cancérogène suspecté, de même que le folpel, classé comme cancérogène possible et récemment incriminé dans le risque de maladie de Parkinson 9. Rappelons que ces pesticides sont principalement utilisés dans la culture du blé ordinaire, des arbres fruitiers, des cultures maraîchères et en viticulture, des produits de consommation très courants.
Aujourd’hui, il est donc du devoir et de la responsabilité de nos dirigeants et des agences réglementaires d’utiliser toutes les connaissances acquises par les chercheurs d’organismes publics et de prendre des décisions pour protéger notre santé. Il est plus que temps d’ouvrir des perspectives nouvelles, basées sur les faits et la rigueur scientifique.
C’est pourquoi nous, Fondation pour la Recherche Médicale, portant un regard objectif et global sur les connaissances actuelles, à l’écoute de l’ensemble de la communauté scientifique et ayant pour mission première de faire avancer la recherche pour sauver des vies, invitons les pouvoirs publics français et européens à prendre en compte l’ensemble des données scientifiques et à mettre en place trois mesures indispensables pour mieux prévenir l’impact des polluants chimiques sur notre santé :
L’histoire récente nous a montré, avec l’amiante ou le chlordécone, les conséquences tragiques et irréversibles de décisions trop tardives. Ne laissons pas de tels drames se reproduire. Les chercheurs travaillent avec engagement pour produire des connaissances, elles sont là. Il est dorénavant du devoir des pouvoirs publics de les utiliser et d’agir avec lucidité et responsabilité pour protéger notre santé et celle des générations futures.
Denis Duverne
Président du Conseil de Surveillance de la FRM, Président du Comité de campagne de la FRM
Hervé Chneiweiss
Président du Comité de recherche de la FRM ; Directeur du Centre de Recherche Neuroscience Paris Seine
Maxime Molina
Secrétaire général, Président du Directoire de la FRM
Valérie Lemarchandel
Directrice scientifique, membre du Directoire de la FRM
Dossier
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Pourquoi la FRM prend-elle aujourd’hui la parole et publie-t-elle cette tribune d’alerte ? Qu’attend-elle des pouvoirs publics ? Regards croisés entre Valérie Lemarchandel, Directrice scientifique de la FRM et Laurence Huc, Directrice de recherche INRAE et toxicologue.
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