Tout savoir sur la douleur

Quelques données sur la douleur

La douleur représente un réel enjeu de santé publique. En France, l'Inserm estime quelle serait à l'origine de deux tiers des consultations médicales.

12 millions de Français, seraient atteints de douleurs dites « chroniques » c'est-à-dire persistantes au-delà de 3 mois, répondant mal aux traitements et affectant grandement la qualité de vie du patient, personnelle comme professionnelle.

La survenue de ces douleurs chroniques augmente avec l'âge, avec une prédominance féminine.

Qu'est-ce que la douleur ?

Phénomène complexe qui peut s'installer dans la durée, la douleur est définie par l'association internationale pour l'étude de la douleur (IASP) comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée, ou ressemblant, à celle liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ».

De fait, il n'existe pas une mais des douleurs, avec des caractéristiques très diverses. Elles font aujourd'hui l'objet de nombreuses recherches pour tenter de mieux en comprendre les mécanismes et surtout d'améliorer leur prise en charge.

Plusieurs types de douleurs

Les douleurs sont classifiées selon leur nature et leur durée, même sil existe des porosités entre chaque catégorie et que les patients présentent parfois des tableaux cliniques complexes. Trois types de douleurs existent.

  • Les douleurs nociceptives

Les douleurs nociceptives sont liées à la stimulation des nocicepteurs. Ces récepteurs sont activés par un coup, une inflammation articulaire ou une chaleur excessive par exemple. L'information saisie par les nocicepteurs est conduite jusqu'au cerveau par des voies nerveuses spécifiques et interprétée par celui-ci au niveau du cortex cérébral notamment.

  • Les douleurs neuropathiques

Ces douleurs sont liées à des atteintes des fibres nerveuses ou du système nerveux central. Ce sont par exemple les douleurs qui surviennent lors d'un zona (infection due à la réactivation du virus de la varicelle, caractérisée notamment par une éruption cutanée et des douleurs neuropathiques plus ou moins intenses), d'un diabète ou à la suite d'une amputation.

  • Les douleurs nociplastiques

Ce sont des sensations parfois proches d' une douleur neuropathique mais souvent généralisées à tout le corps et sans atteinte des fibres nerveuses. Elles seraient plutôt dues un dysfonctionnement du système de détection et de contrôle de la douleur lui-même conduisant à une exagération du message nerveux et/ou à une surinterprétation de ce message par le cerveau. C'est par exemple le cas de la fibromyalgie, une affection chronique caractérisée par des douleurs diffuses et persistantes et une sensibilité à la pression, souvent associées à une fatigue intense et à des troubles du sommeil.

Le cas des douleurs persistantes : les douleurs chroniques

Quel que soit le type de douleur, lorsqu'elle perdure au-delà de trois mois, on parle de douleur chronique : la sensation n'est plus un signal d'alerte mais une maladie à part entière. C'est le cas de certaines douleurs musculosquelettiques ou articulaires, de la migraine ou de certaines douleurs neuropathiques.

Différents mécanismes peuvent expliquer ces sensations persistantes. Au niveau périphérique, il peut exister un abaissement du seuil de sensibilité des nocicepteurs qui surréagissent aux stimuli. Dans la moelle épinière, on peut observer une amplification du message douloureux, on parle de sensibilisation, associée à une perte d'efficacité de certains mécanismes qui normalement inhibent ce message.

Enfin, depuis une dizaine d'années et le boom des recherches en imagerie médicale, on sait que la douleur chronique implique aussi des modifications structurelles et fonctionnelles au niveau du cerveau, dans les zones qui traitent l'information douloureuse. Tous ces mécanismes ne sont pas engagés de la même façon selon chaque patient et de nombreux facteurs influent sur le risque de chronicisation d'une douleur.

Quelle est la prise en charge de la douleur ?

Suivant son origine, la douleur ne sera pas traitée de la même manière. Ainsi, le praticien n'aura pas recours aux mêmes modalités de prise en charge de la douleur suivant quelle sera chronique, post-opératoire, liée aux soins, à une migraine Chacun de ces cas fait l'objet de recommandations de bonnes pratiques.

  • Les antalgiques conventionnels

Contre les douleurs nociceptives, il existe différentes classes pharmacologiques qui agissent sur les formes aiguës et chroniques. Ce sont les antalgiques dits « conventionnels », qui vont des plus légers comme le paracétamol ou certains anti-inflammatoires non stéroïdiens, jusqu'aux opioïdes plus ou moins puissants.

  • Les autres molécules

Les médecins peuvent également avoir recours à d’autres molécules ayant un effet antalgique sans que cela soit leur première vocation. Par exemple, une prescription d’antidépresseurs ou d’antiépileptiques peut également être faite dans le cadre des douleurs neuropathiques chroniques : ils ont une action réelle sur les mécanismes de ces douleurs, mais ne sont malheureusement efficaces que chez un patient sur deux.

  • Les traitements locaux

Il existe des traitements pharmacologiques locaux contre la douleur chronique. On peut par exemple citer les emplâtres de lidocaïne (un anesthésiant local) ou encore les patchs de capsaïcine. On peut aussi pratiquer des injections de toxine botulique pour agir sur certaines douleurs neuropathiques localisées, avec là aussi un effet de plusieurs mois.

  • La stimulation électrique ou magnétique

Il existe par ailleurs des techniques non médicamenteuses pour la prise en charge de certaines douleurs réfractaires.

  • La neuro-stimulation électrique transcutanée (TENS), où des électrodes collées temporairement sur la peau soulagent les douleurs grâce à un courant de basse intensité.
  • La stimulation électrique médullaire, qui consiste en l’implantation d’électrodes au niveau de la colonne vertébrale pour inhiber la transmission du message nerveux douloureux.

D'autres stratégies sont très prometteuses comme la stimulation magnétique transcrânienne répétitive, qui a fait l'objet de plusieurs études récentes. En pratique, application d’un puissant courant magnétique sur le cuir chevelu en regard d'une zone cérébrale très précise permet d’en modifier l’activité électrique et ainsi en quelque sorte d’améliorer le fonctionnement des aires cérébrales impliquées dans le contrôle de la douleur.

Comprendre la douleur pour la soulager

La recherche en matière de douleur est particulièrement active, et a progressé au cours des dernières années. Par exemple, on sait aujourd’hui que des variations génétiques expliquent la différence de réponse d’un patient à l’autre pour un même analgésique, ou encore l’apparition d’effets indésirables.

Les scientifiques ont en outre identifié de nouveaux acteurs de la douleur, des molécules et des cellules, et ont fait progresser l’imagerie cérébrale pour visualiser et même quantifier cette douleur. Ces préalables sont indispensables pour mettre au point de nouvelles modalités de prise en charge médicamenteuse de la douleur.

En outre, on connaît aujourd’hui de mieux en mieux les différents types de douleurs. Chacune est transmise par des voies nerveuses distinctes dans l’organisme. En 2021, le prix Nobel de médecine a récompensé la découverte des canaux TRP et PIEZO impliqués respectivement dans les nocicepteurs thermiques et mécaniques. Il reste aujourd’hui à améliorer la prise en charge des douleurs chroniques et inflammatoires dont les mécanismes font l’objet de recherches intenses par les équipes.

Aziz MoqrichAziz Moqrich

Témoignage de chercheur« Inverser le mécanisme de la douleur chronique »

« De nombreux facteurs sont impliqués dans la chronicisation de la douleur. Le système immunitaire, des troubles métaboliques mais aussi le microbiote intestinal jouent sûrement un rôle. De plus en plus d'études suggèrent aussi l'implication de certaines mutations génétiques, expliquant ainsi en partie pourquoi le risque n'est pas le même pour tous. Par exemple des variations du gène COMT, impliqué notamment dans la sécrétion de dopamine dans le cerveau, pourraient être liées à un risque accru de chronicisation de la douleur. Avec mon équipe de recherche, nous avons découvert la protéine TAFA4 et montré chez les rongeurs sa puissante action contre les douleurs d'origine inflammatoire, neuropathique et postopératoire et ce, avec une durée d'action beaucoup plus longue que des antidouleurs classiques comme les opioïdes. Nous avons aussi découvert que cette protéine a un effet réparateur des tissus lésés pouvant expliquer comment elle contribue à diminuer le niveau de douleur aiguë et ainsi prévenir la douleur chronique. C'est très prometteur et nous espérons pouvoir lancer un essai clinique de phase I chez l'homme dès l'année prochaine. »

Aziz Moqrich dirige l'équipe « Douleur chronique : mécanismes moléculaires et cellulaires » à l'Institut de biologie du développement de Marseille.

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