Transplantation rénale : des biomarqueurs non invasifs du rejet pas toujours utiles


En France, plus de 20 000 patients sont en attente d’une greffe d’organe. Cette technique de pointe, qui peut concerner de nombreux organes, mais aussi des tissus, permet de sauver des vies ou d’améliorer le quotidien des malades.
Elle fait l’objet de recherches constantes, portant sur les greffons artificiels, la conservation optimisée et l’immunosuppression ciblée, pour augmenter le nombre d’organes disponibles et prévenir les rejets.
Aujourd’hui, la greffe demeure la dernière option thérapeutique efficace dans de nombreuses pathologies.
L’Agence de Biomédecine indique qu’en 2024, 6 034 greffes ont été pratiquées en France, dont 3 757 greffes de rein, 1 439 greffes du foie et 414 greffes du cœur. 614 greffes ont été réalisées à partir d’un donneur vivant, dont 598 greffes rénales. On relève une moyenne de 3 organes prélevés par donneur.
Le manque d’organes disponibles est encore important : près de22 600 patients sont inscrits sur liste d’attente, dont 8 378 nouveaux patients en 2024. Enfin, 852 patients sur liste d’attente sont décédés en 2024 (-9,8 % par rapport à 2023). Le taux de refus familial estimé à 36,4 % reste un frein majeur au développement du don. Sensibiliser le public à l’importance de ce geste peut sauver des milliers de vies chaque année.
La greffe, ou transplantation, consiste à remplacer un organe ou tissu défaillant par un autre, sain, provenant d’un donneur. Elle peut être pratiquée à partir d’un donneur vivant, comme la greffe d’un rein ou d’une partie du foie, ou d’un donneur décédé, dans le cadre d’un prélèvement d’organe post-mortem.
On distingue plusieurs types de greffes : l’allogreffe, quand le donneur et le receveur sont deux personnes distinctes, l’autogreffe, lorsque le patient est son propre donneur, et plus expérimentalement, la xénotransplantation, qui correspond à une greffe entre espèces différentes, par exemple d’un animal à un humain.
La greffe permet de sauver des vies ou de grandement améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies graves et irréversibles.
La greffe de rein est incontestablement la plus courante. Elle est proposée en cas d’insuffisance rénale sévère ou terminale, stades où les reins fonctionnent très peu, ou plus du tout. En l’absence de greffe, les personnes souffrant d’une telle atteinte nécessitent une prise en charge par hémodialyse : plusieurs fois par semaine et pendant plusieurs heures, ils doivent être reliés à une machine, qui joue le rôle des reins et filtre le sang pour éliminer ses déchets. Ce traitement est très fatigant, et la fréquence des séances altère énormément la qualité de vie.
La greffe de foie est d’abord indiquée dans le cadre d’une cirrhose alcoolique avancée, pathologie caractérisée par la destruction des cellules du foie sous l’effet de l’alcool et par leur remplacement par un tissu fibreux. Une greffe peut par ailleurs être proposée lors d’un cancer du foie, ou hépatocarcinome, si la tumeur reste localisée et suivant l’état du patient, ainsi que dans certaines formes avancées d’hépatite.
La greffe cardiaque est aussi une technique maîtrisée. Cette option thérapeutique est envisagée en cas d’insuffisance cardiaque avancée, stade où le cœur n’est plus capable de jouer correctement son rôle de pompe pour assurer les besoins de l’organisme. À ce moment-là, la greffe est le seul recours possible.
Quatrième organe pouvant faire l’objet d’une greffe : le poumon. Une greffe pulmonaire est envisagée lors de pathologies très avancées telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), maladie inflammatoire caractérisée par une obstruction progressive des voies aériennes et des poumons, mais également la mucoviscidose, maladie génétique qui se traduit par une stagnation du mucus dans les voies respiratoires et digestives, la fibrose pulmonaire, pathologie durant laquelle les tissus pulmonaires se transforment en tissus fibreux, et l’hypertension artérielle pulmonaire, associée à une augmentation de la pression sanguine dans l’artère qui irrigue le poumon, altérant les vaisseaux pulmonaires.
Il existe enfin des greffes pancréatiques, qui concernent des patients atteints de diabète de type 1, ne pouvant être soignés par insulinothérapie traditionnelle et dont le pancréas se trouve à bout de souffle. Beaucoup plus rarement et dans des cas très restreints, des greffes intestinales et des greffes d’utérus peuvent être proposées pour traiter des maladies comme le cancer.
Outre des organes, la greffe peut également concerner des tissus, comme la cornée, en cas d’atteinte visuelle sévère, la moelle osseuse, le tissu où se forment les cellules sanguines et dont la greffe est requise notamment dans le cadre de certaines leucémies, la peau, en cas de brûlure importante sur une large surface ou de lésions graves, les tendons et ligaments, en traumatologie, ou encore des vaisseaux sanguins, pour le traitement d'atteintes cardiovasculaires.
Le processus de greffe suit plusieurs étapes clés. Tout commence par l’inscription du patient sur une liste d’attente, gérée en France par l’Agence de la biomédecine, après évaluation médicale de la nécessité d’une transplantation.
Lorsqu’un organe devient disponible, il est attribué en fonction de critères médicaux : urgence, compatibilité immunologique, groupe sanguin…
L’intervention chirurgicale est ensuite réalisée dans un centre hospitalier habilité. Après la greffe, le suivi post-opératoire est essentiel : il permet de surveiller le fonctionnement du greffon, d’ajuster le traitement immunosuppresseur et de détecter rapidement d’éventuelles complications.
Malgré ces progrès, on manque toujours de greffons. L’une des pistes pour améliorer cela est de mieux traiter les organes après prélèvement et d’augmenter ainsi le nombre de greffons potentiels. Des greffes sont notamment réalisées en utilisant une machine dit de reconditionnement capable d’améliorer la qualité d’un greffon pulmonaire. En traitant des problèmes d’œdème (gonflement d’un organe dû à l’accumulation de liquide à l’extérieur des vaisseaux sanguins), d’affaissement des alvéoles pulmonaires ou de sécrétions bronchiques excessives, cette machine rend greffables des poumons qui ne l’étaient pas au départ dans 80 % des cas.
D’autres équipes mettent au point des techniques permettant de conserver plus longtemps un organe en dehors d’un corps. En jouant par exemple sur sa température de conservation et la composition du liquide de perfusion qui évite qu’il ne se dégrade trop rapidement. L’objectif est que l’organe souffre le moins possible de la diminution de l’apport sanguin, puis de l’étape dite de reperfusion : lorsqu’il est remis en contact avec la circulation sanguine, et donc avec de l’oxygène et les cellules immunitaires du receveur, cela peut provoquer des dégâts, notamment à cause d’une inflammation trop importante.
Lorsqu’on greffe un organe, il est reconnu comme étranger par le système immunitaire du receveur. Pour éviter un rejet immédiat (rejet aigu), on s’assure de la meilleure correspondance entre les complexes majeurs d’histocomptabilité (CMH, ou système HLA en anglais) du donneur et du receveur. Il s’agit de l’ensemble de molécules présentes à la surface des cellules qui permet au système immunitaire de reconnaître les cellules du « soi » et de les distinguer des cellules « étrangères ». Il est propre à chaque individu. Cette correspondance n’est jamais parfaite, sauf entre jumeaux ! Des traitements immunosuppresseurs, qui limitent les réactions immunitaires, sont donc indispensables pour gérer le risque de rejet à long terme (rejet chronique).
Pour diagnostiquer le rejet chronique, les praticiens surveillent le fonctionnement de l’organe greffé en mesurant différents paramètres cliniques dans le sang, comme le taux de créatinine pour le rein. Pour dépister ce rejet avant même une perte de fonction irréversible de l’organe, une équipe de recherche a mis au point deux scores, l’un pour le rein et l’autre pour le poumon, basés sur la mesure de l’utilisation de plusieurs gènes. Cela permet d’intervenir plus tôt et de prolonger la survie du greffon.
De récentes recherches ont aussi révélé le rôle de l’immunité innée, la première ligne de défense de l’organisme, dans ce phénomène de rejet chronique lors d’une greffe de rein. De quoi développer de nouveaux traitements immunosuppresseurs qui viseraient aussi cette réponse immunitaire.
D’autres équipes travaillent par ailleurs à la gestion des effets secondaires de ces immunosuppresseurs qui affaiblissent la protection contre les infections ainsi que le développement de tumeurs cancéreuses.
Pour éviter le rejet chronique du greffon, des scientifiques cherchent à induire une immunotolérance chez le receveur.
Une stratégie consiste à prélever des cellules immunitaires du receveur, de type lymphocytes T régulateurs, et à les cultiver ex vivo avec des cellules du donneur. Réinjectées au patient lors de la transplantation, elles permettraient alors de le rendre tolérant à l’organe transplanté. Cela a donné quelques bons résultats, permettant même un arrêt complet des immunosuppresseurs, mais d’autres essais ont été plus décevants.
Une équipe française travaille à adapter la technique des cellules CAR-T déjà utilisée pour traiter certains cancers : dans le cas d’une greffe d’organe, il s’agit de prélever chez le receveur des lymphocytes T régulateurs et les modifier génétiquement en laboratoire pour qu’ils expriment des récepteurs à divers antigènes du CMH (ou système HLA) afin de les rendre tolérants à une grande diversité de donneurs potentiels. Elles sont ensuite réinjectées au patient au moment de la greffe. En conférant à ces cellules régulatrices des capacités de reconnaissance de l’organe transplanté, les chercheurs envisagent d’atténuer la réponse immunitaire et ainsi protéger le greffon. Il y a actuellement deux essais cliniques en cours pour évaluer l’intérêt de cette approche lors d’une greffe de rein ou de foie.
Moins de 20 % des Français se déclarent défavorables au don d’organes après leur mort. Pourtant, lorsque la question a été posée aux proches, au moment d’un éventuel prélèvement, plus de 36 % s’y sont opposés en 2024, un chiffre record. Des recherches en sciences sociales et humaines sont nécessaires pour comprendre et faire évoluer cette situation.
Vu le besoin grandissant de greffons, des alternatives doivent aussi être envisagées. C’est notamment le cas avec la xénotransplantation : après quelques premières tentatives isolées de greffes de reins ou de cœur de cochons génétiquement modifiés pour être compatibles avec l’espèce humaine, les autorités sanitaires américaines viennent ainsi de donner leur feu vert en février dernier pour que des essais cliniques en bonne et due forme aient lieu. Un consortium se monte également pour faire travailler ensemble la communauté française dans ce domaine.
La recherche se penche aussi sur la mise au point d’organes artificiels et biocompatibles en vue de suppléer les fonctions déficientes de l’organisme. Des travaux portent ainsi sur la création d’organes biologiques à partir des propres cellules du patient, donc sans risque de compatibilité. La fabrication d’organes bioartificiels consiste à mettre des cellules souches en culture sur une armature ou biomatériau afin qu’elles se spécialisent et s’organisent, reformant un organe fonctionnel prêt à être implanté.
Il reste encore de nombreux défis à relever dans le domaine de la greffe d’organes, mais la recherche continue !
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