Psychose et immunité, des liaisons à explorer… Entretien avec Laurent Groc


La schizophrénie est un trouble psychiatrique complexe qui touche environ 600 000 personnes en France. Cette pathologie grave a la particularité d’altérer la perception de la réalité et le fonctionnement cognitif des patients qui en sont atteints. Son origine est multifactorielle, mêlant génétique, environnement et facteurs sociaux.
Mieux connaître les symptômes, les méthodes de diagnostic et les traitements de la maladie permet d’agir plus tôt et d’améliorer la qualité de vie des patients.
La schizophrénie est l’une des maladies psychiatriques les plus fréquentes. Elle touche plus de 24 millions de personnes dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et environ 600 000 personnes en France selon l’lnserm.
La pathologie survient le plus souvent à la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte, majoritairement entre 15 et 25 ans selon l’Inserm, qui précise également qu’en moyenne, les hommes sont touchés plus tôt que les femmes. Enfin, l’OMS indique que le risque de mourir prématurément est 2 à 3 fois plus élevé pour les sujets atteints de schizophrénie que dans l’ensemble de la population, avec une espérance de vie diminuée de 10 à 20 ans.
La schizophrénie est une maladie psychiatrique chronique, appartenant à la catégorie des troubles psychotiques. Elle altère durablement la perception de la réalité, les émotions, la pensée et le comportement. Elle se manifeste par des périodes de symptômes aigus, avec des hallucinations ou des idées délirantes, ainsi que par des difficultés cognitives et un repli social.
La dernière édition du manuel international de référence des troubles psychiatriques (DSM-V) a supprimé les sous-catégories de la schizophrénie, comme la schizophrénie catatonique ou paranoïde, suggérant une nouvelle approche des symptômes de la maladie et de leur prise en compte.
Les causes de la schizophrénie seraient multifactorielles, associant une prédisposition génétique à des conditions environnementales favorables. Les facteurs de risques de la maladie sont étroitement intriqués. C’est leur interaction, plutôt que la présence isolée d’un seul facteur, qui semble déterminante dans l’apparition de la pathologie.
En ce qui concerne le côté génétique, les chercheurs ont mis en évidence de nombreux gènes dont la mutation faciliterait la survenue de la schizophrénie. Il existe également un risque plus élevé dans certaines familles, preuve de l’implication de facteurs génétiques. Il est ainsi reconnu que les personnes dont un membre de la famille, parents, frère, sœur, oncle ou tante, est schizophrène, ont un risque plus élevé de développer la maladie. Toutefois, aucun gène unique n’est responsable de la schizophrénie : il s’agit d’un ensemble complexe de variations génétiques influençant la vulnérabilité à la pathologie.
Une deuxième composante a un rôle prépondérant dans la survenue de la schizophrénie : les facteurs environnementaux. Par exemple, des anomalies de l’anatomie cérébrale, possiblement liées à des infections contractées lors du développement fœtal, ont été observées chez les patients schizophrènes.
Des études ont par ailleurs mis en évidence que la consommation de substances psychoactives, en particulier le cannabis, pouvait déclencher la maladie. La consommation régulière de cette drogue à l’adolescence, surtout en cas de terrain génétique prédisposant, multiplie ainsi significativement le risque d’apparition des premiers symptômes. D’autres substances comme les amphétamines, la cocaïne ou les hallucinogènes peuvent aussi agir en tant que facteurs déclenchants ou aggravants.
Enfin, des facteurs sociaux ont été mis en évidence, dont la vie en milieu urbain. Des conditions de vie stressantes, l’isolement social, les discriminations ou les traumatismes précoces peuvent contribuer à la survenue du trouble, en agissant sur le développement cérébral ou les mécanismes de stress.
Les symptômes de la schizophrénie diffèrent selon les patients, si bien qu’il serait judicieux de parler de « schizophrénies ». Plusieurs types de symptômes peuvent s’exprimer.
Les symptômes positifs de la schizophrénie se caractérisent par des épisodes délirants, des hallucinations visuelles, auditives, voire des autres sens. Ces manifestations traduisent une perte de contact avec la réalité. Les symptômes négatifs concernent un retrait social, une perte d’initiative, un manque d’énergie et d’émotions pouvant ressembler à de l’anxiété ou à une dépression.
Enfin, une désorganisation de la pensée peut se manifester, induisant un discours décousu, des comportements inadaptés, une incapacité à planifier ou à mener à bien des tâches quotidiennes. Ces signes sont souvent associés à des symptômes cognitifs, comme des difficultés de concentration, des troubles de la mémoire ou une altération de la flexibilité mentale.
La nature, l’intensité et la combinaison de ces symptômes varient non seulement d’une personne à l’autre, mais peuvent également évoluer au fil du temps. Certains épisodes sont marqués par des phases aiguës, ou bouffées délirantes, tandis que d’autres présentent un fonctionnement plus stable, mais entravé par des symptômes négatifs ou cognitifs persistants.
Dans la majorité des cas, la schizophrénie débute par des symptômes prodromiques, c’est-à-dire autour de troubles cognitifs, qui peuvent évoluer, mais pas obligatoirement, vers un trouble psychotique. Un repérage précoce chez les adolescents présentant des signes atypiques ou une déscolarisation rapide permet une prise en charge plus efficace, avant l’apparition d’un épisode aigu.
Le diagnostic de la schizophrénie se fait principalement par un entretien minutieux avec le praticien, qui cherche à évaluer avec précision les symptômes de la maladie. L’évaluation porte sur la nature des troubles, hallucinations, idées délirantes, désorganisation et retrait, leur durée, qui doit être au moins de six mois avec un mois de phase active, et leur impact sur la vie quotidienne du patient.
Différents examens peuvent ensuite être conduits, comme un bilan d’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou des tests de type électroencéphalogramme. Ces examens ont surtout pour objectif d’exclure d’autres pathologies neurologiques ou métaboliques, telles qu’une tumeur cérébrale, une épilepsie ou une encéphalite, pouvant provoquer des symptômes similaires. Ils ne permettent pas, à eux seuls, de confirmer la schizophrénie, car aucun marqueur biologique ou test cérébral n’est aujourd’hui spécifique à la maladie.
Un bilan psychométrique ou cognitif peut être réalisé pour confirmer le diagnostic de la schizophrénie. Il vise à évaluer l’ampleur des troubles cognitifs associés, comme les troubles de l’attention, de la mémoire et du raisonnement, qui impactent fortement l’autonomie fonctionnelle du patient.
Pour le moment, il est impossible de guérir la schizophrénie, mais les patients peuvent tout de même avoir une rémission très durable de la pathologie. Avec un traitement bien suivi et un accompagnement adapté, ils peuvent mener une vie stable, avec parfois un bon niveau d’autonomie.
Il existe des médicaments, les antipsychotiques, pour réduire l’intensité des symptômes de la schizophrénie et les contrôler. Ces traitements doivent être pris durant une période assez longue après une crise aiguë, sous peine de rechute. De préférence, ils doivent être prescrits le plus rapidement possible. Les antipsychotiques agissent principalement sur les symptômes positifs, comprenant hallucinations et délires, mais sont souvent moins efficaces sur les troubles cognitifs et les symptômes négatifs.
Les formes injectables facilitent l’observance des traitements, réduisant en même temps le risque de rechute. Ces formes à action prolongée, mensuelles ou trimestrielles, sont particulièrement utiles chez les patients ayant des difficultés à suivre un traitement oral quotidien. Ces thérapies peuvent être accompagnées d’antidépresseurs et de régulateurs de l’humeur.
Les patients atteints de schizophrénie doivent suivre une psychothérapie adaptée à leurs troubles. Complémentaire à l’approche médicamenteuse, elle vise à soutenir les malades dans leur quotidien et à leur apprendre à gérer leurs symptômes. Parmi les approches les plus utilisées figurent les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), qui aident à identifier et moduler les pensées délirantes, les angoisses et les comportements inadaptés.
Des thérapies familiales peuvent être entreprises pour permettre aux proches de faire face à la pathologie. Leur objectif est de favoriser une communication apaisée, d’améliorer la compréhension des troubles et de réduire les risques de rechute liés au stress familial. Enfin, une psychoéducation est souvent proposée aux patients et à leurs proches pour mieux comprendre la maladie, repérer les signes d’alerte et renforcer l’adhésion au traitement.
La réinsertion sociale et professionnelle est également un volet essentiel de la prise en charge de la schizophrénie. Elle peut inclure un accompagnement médico-social, une réhabilitation cognitive, un soutien à l’emploi ou à la formation, et un logement adapté si nécessaire.
Les études menées sur la schizophrénie ont tout d’abord pour but d’élucider avec plus de précisions l’origine de la maladie. Il est ainsi très important d’identifier de nouveaux facteurs de prédisposition, qu’ils soient génétiques ou environnementaux, et de mieux comprendre leurs interactions dans le développement de la pathologie.
Dans cette perspective, les chercheurs s’attachent ainsi à repérer de nouveaux gènes impliqués dans la survenue de la schizophrénie et à décrypter les mécanismes biologiques sous-jacents, comme ceux qui font intervenir des neurotransmetteurs ou ceux qui provoquent une inflammation cérébrale. Ces travaux permettront de mettre au jour de nouvelles cibles thérapeutiques.
Réaliser un diagnostic plus précoce de la schizophrénie est un autre défi de la recherche. L’idée est d’isoler des molécules qui permettraient de dépister la maladie avant les premiers symptômes, pour une prise en charge plus rapide. Il s’agit également d’identifier des biomarqueurs pour suivre plus précisément l’évolution de la pathologie ou prédire la réponse aux traitements.
Des travaux sont par ailleurs conduits autour des techniques d’imagerie, afin de détecter des changements subtils dans la structure ou l’activité cérébrale pouvant servir de marqueurs biologiques. Deux équipes françaises ont récemment montré la possibilité de prédire les hallucinations auditives des patients grâce à l’IRM fonctionnelle.
En parallèle, la recherche s’attelle à mettre au point des antipsychotiques plus performants et mieux tolérés, les traitements existants étant pourvoyeurs de nombreux effets secondaires. Les améliorer permettrait aux malades de les prendre avec plus de régularité, limitant les rechutes. De nouvelles pistes médicamenteuses, notamment l’immunothérapie ou le ciblage des récepteurs du glutamate, sont aujourd’hui explorées.
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