13 mars 2025

Psychose et immunité, des liaisons à explorer… Entretien avec Laurent Groc

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En résumé

Laurent Groc est directeur de recherche à la tête de l’équipe « Physiologie et pathologie du cerveau en développement » à l'Institut Interdisciplinaire de Neurosciences à Bordeaux Neurocampus.

250 000 €

Financement accordé à Laurent Groc en 2015 dans le cadre de l’appel à projets « Maladies psychiatriques ». La FRM a par la suite poursuivi son soutien à ce projet, ce qui a contribué aux résultats décrits ici.

Et si certains troubles psychotiques comme la schizophrénie étaient liés à des désordres immunitaires ?

Le cas échéant, pourrait-on développer des traitements spécifiques pour les prendre en charge ?

Les réponses de Laurent Groc, directeur de recherche à la tête de l’équipe « Physiologie et pathologie du cerveau en développement » à l'Institut Interdisciplinaire de Neurosciences à Bordeaux Neurocampus.

Je donne pour la recherche

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La découverte en détails

Comment en êtes-vous arrivés à démontrer qu’une partie des patients diagnostiqués avec des troubles psychotiques présente un désordre auto-immunitaire ?

En 2007, Josep Dalmau, un chercheur espagnol travaillant aux Etats-Unis, a montré la présence d’auto-anticorps dirigés contre des protéines à la surface de certains neurones, les « récepteurs NMDA », chez des patients présentant des troubles psychiatriques puis neurologiques majeurs. Cette maladie s’appelle aujourd’hui l’encéphalite autoimmune anti-récepteur NMDA. Alors que l’évolution de ces patients était tragique - vers le coma et la mort -, il a été montré que si l’on supprime ces auto-anticorps, les patients récupèrent en quelques semaines ou mois. Ce fut une véritable révolution, à la fois conceptuelle et clinique. Cela a ouvert un nouveau champ d’étude dans lequel nous nous sommes engouffrés.

Nous nous sommes posé plusieurs questions : certains de nos patients aujourd'hui diagnostiqués avec des troubles neuropsychiatriques seraient-ils éventuellement séropositifs pour ces auto-anticorps (NDLR : c’est-à-dire que leur sang contiendrait des auto-anticorps) ? Et dans ce cas, pourraient-ils bénéficier d'une immunothérapie, des thérapies visant à réguler la réaction immunitaire ? En 2016, nous avons identifié qu’environ 15 % des patients diagnostiqués avec une schizophrénie étaient possiblement concernés. La question suivante est de savoir s’il existe d'autres auto-anticorps dirigés contre d’autres protéines de la synapse, ou de la communication cellulaire cérébrale. La réponse est encore ouverte, mais vraisemblablement positive.

Quels sont les prochains défis à relever ?

Il nous faut d'abord améliorer nos méthodes de dépistage afin de détecter avec précision ces auto-anticorps. Nous débutons actuellement un essai clinique à l’échelle nationale pour identifier les patients qui présentent ces auto-anticorps pathogéniques afin de pouvoir leur offrir le traitement adéquat et en évaluer l’efficacité. Il faut préciser que le traitement existe déjà ! L’immunothérapie est utilisée tous les jours, elle ne coûte pas très cher et est disponible dans tous les hôpitaux à travers le monde. Par ailleurs, nos collègues anglais ont un peu d’avance avec une publication portant sur un petit échantillon de patients psychotiques, diagnostiqués avec une schizophrénie et séropositifs pour ces auto-anticorps. L’immunothérapie apporte une amélioration thérapeutique remarquable chez ces patients.

Des études à grande échelle restent cependant absolument nécessaires pour confirmer l’intérêt thérapeutique et le rôle de l’auto-immunité chez ces patients. Il faudra ensuite essayer de comprendre les mécanismes d'action et de façon plus générale, savoir si l’on ne rate pas d'autres auto-anticorps contre des cibles aujourd'hui inconnues.

A l'échelle internationale, le domaine est sur le pied de guerre. Il y a encore beaucoup de travail mais surtout énormément d'espoir. C’est un œil complètement nouveau sur ces pathologies.

Vous travaillez sur la kétamine. Est-ce un traitement éventuel contre ces auto-anticorps ?

Nous avons montré sur des modèles animaux que la kétamine est capable de réduire très fortement l'impact de ces auto-anticorps. Nous avons montré, et nous sommes pionniers à l’échelle mondiale, que ces auto-anticorps dérèglent le mouvement des récepteurs à la surface des neurones, ce qui perturbe la communication entre les neurones. En même temps que la kétamine stabilise le récepteur membranaire, au niveau des zones de connexion entre les neurones. Nous avons utilisé cette propriété pour empêcher en partie l’auto-anticorps de dérégler ce récepteur.

Là aussi, des études cliniques nous permettront de savoir si l'on peut utiliser la kétamine, ou d’autres molécules ciblant le récepteur NMDA, sur ce type de pathologies.

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