Santé mentale : des omégas 3 impliqués dans la perte de motivation ?


Troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles psychotiques, troubles des comportements alimentaires, addictions : les maladies mentales prennent différentes formes. Elles résultent d’une combinaison de prédispositions génétiques et d’une influence environnementale.
Le sommeil, l’alimentation, l’activité physique ou l’exposition aux psychoactifs sont des facteurs de risque connus et modifiables. Mais d’autres déterminants environnementaux, tels que le stress, l’habitat urbain, la pollution, les infections précoces ou les conditions de travail ne relèvent pas du patient lui-même. La recherche travaille sur ces différents déterminants, afin d’améliorer la prévention.
Les pathologies mentales sont très fréquentes : on estime ainsi qu'un Français sur cinq souffre actuellement d'un tel trouble. Selon les résultats d’un récent sondage, un quart des adolescents et jeunes français (15-29 ans) souffrent de dépression.
Une personne sur 5 fera une dépression, une fois dans sa vie. La schizophrénie touche 1 % des Français, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) 2 % et les troubles des conduites alimentaires (TCA) 10 % de la population. Les addictions au tabac ou à l'alcool seraient responsables de plus de 100 000 décès par an en France. Autant de chiffres qui montrent l'importance de ces pathologies.
Selon l'Institut Montaigne, les coûts associés à ces maladies atteignent un total de 109 milliards d'euros par an en France, soit la première dépense de santé pour la société, devant les maladies cardiovasculaires ou les cancers. Près de 70 % des Français considèrent que les pathologies mentales ne sont pas des maladies « comme les autres ».
Selon l'Organisation mondiale de la Santé, parmi les dix pathologies majeures du XXIe siècle se trouvent cinq troubles mentaux : la dépression, la schizophrénie, les troubles bipolaires, les addictions et le trouble obsessionnel-compulsif. Depuis la crise liée au Covid-19, celles-ci sont en forte augmentation. L’OMS estime que plus d’un milliard de personnes présentent des troubles de la santé mentale dans le monde.
Depuis les années 1980, il existe des systèmes de classification reconnus internationalement, à l'instar de la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'Association américaine de psychiatrie (DSM-V). Ils permettent de caractériser une pathologie mentale sur la base d'un ensemble de symptômes parfaitement identifiables. Le diagnostic, l'évaluation et la prise en charge des troubles mentaux répondent ainsi à des procédures cliniques précises.
On peut distinguer différentes catégories de pathologies, parmi lesquelles :
Toutes ces maladies peuvent survenir à des âges différents, de façon aiguë ou progressive et emprunter une évolution récidivante, voire chronique. Elles ont pour caractéristiques communes le fait que les patients présentent des comportements anormaux et des rapports altérés avec autrui, une souffrance morale et des dimensions symptomatiques qu'elles peuvent partager entre elles, telles que la perte de la capacité à ressentir du plaisir ou d'autres émotions positives, une baisse de la motivation, un manque d'entrain et un ralentissement psychomoteur.
Pendant des décennies, médecins et chercheurs ont débattu sur l'origine génétique ou environnementale des maladies mentales. La multiplication d'études scientifiques permet aujourd'hui d'affirmer que, dans la très grande majorité des cas, les causes sont multiples, impliquant à la fois des facteurs biologiques, environnementaux, génétiques, psychologiques et sociaux. C'est la rencontre entre une vulnérabilité individuelle, génétique et des facteurs de risques environnementaux qui conduit au développement d'une maladie mentale.
De nombreuses recherches s'intéressent aux facteurs de risque environnementaux de développer une maladie mentale : stress, événements de la vie, alimentation, inactivité physique, exposition à des substances psychoactives ou à des polluants …
Parmi les facteurs environnementaux sur lesquels il est possible d'agir à l'échelle individuelle, on trouve principalement :
-Le sommeil, dont la qualité peut affecter la santé mentale. Des études ont révélé qu'un sommeil insuffisant et/ou de mauvaise qualité peut affecter de multiples parties du cerveau, notamment le cortex préfrontal, en charge du raisonnement et de la prise de décision, et l'amygdale, impliquée dans la régulation de l'humeur et du stress.
-L'activité physique, pratiquée de manière modérée et régulière, permet de réduire le stress et l'anxiété, notamment en favorisant la formation de nouveaux neurones dans l'hippocampe, une structure cérébrale impliquée dans la régulation des émotions. Conséquence : elle permet de diminuer le risque de dépression et de stress post-traumatique notamment.
-L'alimentation, dont on sait qu'elle a un impact sur le fonctionnement de notre immunité et sur la survenue d'une inflammation chronique, peut, elle aussi, favoriser ou, au contraire, diminuer le risque de survenue de dépression. Selon l’Inserm, une altération de la composition du microbiote intestinal a été observée chez les patientes atteintes d’anorexie mentale, sans que l’on sache pour l’instant s’il s’agit d’une cause ou d’une conséquence de la maladie. Des études récentes ont aussi révélé que la consommation d’aliments ultra-transformés est associée à un risque accru d’anxiété, de dépression, voire de démence. A l’inverse, une revue systématique a montré qu’un régime méditerranéen était protecteur vis-à-vis de la dépression, de l’anxiété et des TDHA chez les enfants et les adolescents.
-L'exposition à des substances psychoactives telles que l'alcool, le cannabis ou même le tabac, tout particulièrement lorsque les personnes présentent un usage chronique ou addictif, peut aussi augmenter la survenue de certaines maladies mentales. A noter que les adolescents sont particulièrement vulnérables. Des études ont par exemple montré que la consommation de cannabis multiplie significativement le risque d’apparition des premiers symptômes de schizophrénie. Le THC présent dans le cannabis perturberait la maturation cérébrale, en agissant sur certains récepteurs, situés notamment dans les aires cérébrales impliquées dans les pathologies psychiatriques et très malléables à l’adolescence. D’autres substances comme les amphétamines, la cocaïne ou les hallucinogènes peuvent aussi agir en tant que facteurs déclenchants ou aggravants.
Ces facteurs peuvent d'ailleurs être également impliqués dans de nombreuses autres pathologies comme les cancers ou les maladies cardiovasculaires.
Il existe d'autres facteurs environnementaux sur lesquels il est plus difficile d'agir. Il est quand même essentiel de mieux les comprendre.
Par exemple, dès la vie in utero et durant la petite enfance, le stress peut créer des vulnérabilités. Le cortisol, l'hormone du stress libérée par la mère ou par le jeune enfant, va affecter le développement du cerveau, ce qui laisse des traces dans son fonctionnement. Des personnes exposées à des événements précoces stressants (défauts de soin, séparation des parents, abus sexuels, parcours de migration, deuil) sont ainsi plus à risque de développer une dépression, une anxiété, une addiction, une schizophrénie ou un stress post-traumatique à l'âge adulte. De même que le manque d’accès aux soins et l’exposition aux discriminations (en raison de l’origine, la religion, le genre, l’orientation sexuelle, etc.)
Des infections maternelles durant la grossesse pourraient également être impliquées dans l'émergence de certains troubles comme la schizophrénie.
Naître et vivre dans un environnement urbain a aussi été incriminé dans l'apparition de pathologies mentales. Selon le PNUE, l’exposition prolongée au bruit nuit à la qualité du sommeil et peut perturber la santé mentale. A l’inverse, la présence d’espaces verts ou d’eau a un effet bénéfique avéré sur le risque de développer une dépression, une anxiété, le stress, la concentration et même les relations sociales.
Les conditions de travail. Entre 2016 et 2023, le nombre de pathologies psychiques reconnues par l’Assurance maladie comme maladie professionnelle a triplé. Selon l’INRS, les contraintes dans le travail (telles qu’une forte exigence psychologique, l’absence de marge de manœuvre, le harcèlement moral/sexuel, les violences internes, l’insécurité de l’emploi, etc.) est associé au risque d’apparition d’une dépression. Mais il ne faut pas oublier que le cerveau est très malléable, et qu'il peut aussi subir l'influence positive de facteurs de protection comme l'environnement social, l'activité physique ou le niveau éducatif.
La pollution environnementale a été associée à un risque accru de souffrir d’une maladie mentale. Selon l’Unicef, l’exposition à la pollution atmosphérique, et aux particules fines en particulier, dans l’enfance peut entraîner des troubles psychologiques et comportementaux à l’âge adulte, tels que les troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité, de l’anxiété et la dépression. L’exposition aux particules fines entraîne une réaction inflammatoire au niveau du cerveau en développement, favorisant la dépression à long terme.
Dans le dernier rapport du GIEC, les experts ont alerté sur les effets probables de l’exposition à des températures élevées, à des évènements extrêmes et à l’inquiétude suscitée par la crise écologique, sur la santé mentale. Selon l’OMS, des cas de dépression, d’anxiété et de stress ont été rapportés à la suite d’évènements extrêmes. Selon l’Ademe, 4,2 millions de Français souffrent d’« éco-anxiété ». En outre, certains groupes sont touchés de manière disproportionnée, notamment les personnes les plus précaires, les femmes et les plus jeunes et plus âgés.
Ainsi, les liens entre maladies mentales et environnement sont complexes. Facteurs de risque et facteurs de protection se mêlent à une susceptibilité d'origine génétique, avec parfois un temps très long entre l'exposition à ces facteurs et la survenue d'une pathologie. Cela complique l'étude et explique probablement pourquoi la psychiatrie a longtemps été le parent pauvre de la recherche médicale. Pour l'illustrer, en 2011, un rapport de la Cour des comptes dénonçait une « sous-dotation persistante de la recherche psychiatrique » dans notre pays. L'année suivante, une étude française révélait en effet que la France ne consacre que 2 % de son budget de recherche biomédicale à la psychiatrie, contre 7 % en Grande-Bretagne.
Ainsi, ce n'est que depuis une quinzaine d'années que les travaux se sont multipliés pour étudier les maladies mentales.
Plus que jamais, la recherche en psychiatrie et plus précisément sur les facteurs environnementaux qui régissent l'apparition de pathologies mentales est indispensable.
Il s'agit d'identifier des facteurs environnementaux encore inconnus, par exemple par le biais d’études épidémiologiques de suivi au long cours, de l'enfance à l'âge adulte. Les populations à risque (travailleurs, adolescents, enfants et jeunes, personnes détenues, personnes précaires, etc.) doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière. Plusieurs cohortes sont en cours, comme les études EnCLASS en milieu scolaire, ou les cohortes Coset en lien avec le travail.
Mieux comprendre leurs mécanismes d'action par des approches de biologie moléculaire et cellulaire est également nécessaire. Une des pistes de recherche réside notamment dans l'épigénétique, des modifications qui ont lieu non pas au niveau de la structure même de l'ADN, mais sur des motifs chimiques présents sur l'ADN, ce qui induit des changements dans la façon dont les gènes s'expriment. Des facteurs environnementaux pourraient ainsi moduler l'expression de gènes, ce qui influencerait par la suite le développement d'une pathologie mentale. Par exemple, une équipe de recherche soutenue par la FRM tente de comprendre comment les mécanismes de résilience se mettent en place, afin d’aider les patients.
Identifier ces facteurs ou comprendre leur action permettra la mise en place de mesures de prévention collectives ou individuelles et de dépistage précoce des troubles mentaux afin d'en réduire le nombre et le retentissement dans la population, mais aussi de développer des traitements plus personnalisés.
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