Une quinzaine de pesticides liés à la maladie de Parkinson


A l’échelle mondiale, un quart des décès sont liés à l’environnement. Les pollutions liées aux particules fines et au plomb sont les principales responsables. Mais de nombreux produits chimiques, tels que les plastiques aux propriétés de perturbateur endocrinien, les pesticides ou encore les composés per- et polyfluoroalkylés (PFAS), affectent aussi la santé humaine. A l’aide du concept de l’exposome et par le biais d’études épidémiologiques, une large palette de pathologies ont pu être associées à ces polluants. Mais il reste encore beaucoup à faire, tant les sources de contamination sont nombreuses.
Selon la Fondation Santé Environnement de La Mutuelle Familiale, 83 % des Français se déclarent intéressés par le sujet de la santé environnementale mais seuls 32 % se disent informés des dernières connaissances scientifiques sur ce sujet.
Chaque année dans le monde, plus de 12 millions de décès sont imputables aux facteurs environnementaux, a estimé l’OMS en 2016. Ainsi, près d’un décès sur 4 serait lié à l’environnement. La pollution de l’air serait, à elle seule, responsable de 6,7 millions de décès prématurés par an.
En France, plus de 40 000 morts prématurées par an sont dues aux particules fines, selon Santé Publique France. En 2025, l’agence a aussi estimé que la pollution atmosphérique serait responsable de plus de 40 000 nouveaux cas d’asthme chez l’enfant. Chez l’adulte, elle induirait chaque année 6 000 infarctus du myocarde et 57 800 cas d‘hypertension artérielle chez les plus de 30 ans, 7 400 accidents vasculaires cérébraux et 3 000 cancers du poumon chez les plus de 35 ans, et 10 700 nouveaux cas de diabète de type 2 chez les plus de 45 ans.
Par nos modes de vie, nous sommes exposés continuellement et quasi systématiquement à de très nombreux polluants, via notre alimentation, l'eau que nous buvons, l'air que nous respirons, mais aussi nos contacts avec des objets et vêtements.
« Cette somme de toutes les expositions environnementales auxquelles nous sommes soumis tout au long de notre vie, c'est ce que l'on appelle l'exposome. Il dépend aussi de nos habitudes de vie et de facteurs socio-économiques », explique Sophie Lanone, spécialiste des pathologies respiratoires à l'Institut Mondor de recherche biomédicale, à Créteil. Il dépend aussi fortement de la profession exercée et des expositions associées.
Qu'elle soit d'origine naturelle (poussières, micro-organismes) ou liée à des activités humaines (agriculture, transport, industrie), cette pollution a des impacts sur notre santé, « même s'il existe des différences importantes selon les périodes de la vie et la sensibilité de chaque individu », souligne la chercheuse.
La pollution de l’air est la plus étudiée. « Les premières publications scientifiques sur la pollution atmosphérique datent des années 1950. Elle est très étudiée, car elle est en partie facile à mesurer, raconte Sophie Lanone. Grâce à des filtres de différentes tailles, on peut facilement mesurer les taux de particules fines [ NDLR : particules en suspension dans l'air, de composition très variée, et dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres ]. »
Dans l'air que nous respirons, on retrouve des polluants primaires, directement issus des sources de pollution (trafic routier, industries, chauffage, agriculture …) comme les oxydes d'azote, le dioxyde de soufre, des composés organiques volatiles, les particules fines et certains métaux. Et des polluants secondaires, issus de réactions chimiques entre les premiers. Il s'agit par exemple de l'ozone et du dioxyde d'azote. Avec le réchauffement climatique, cette problématique pourrait s’amplifier car la chaleur exacerbe les pics de pollution atmosphérique.
La pollution des sols et de l’eau soulève aussi de vives inquiétudes. Elle peut être d’origine naturelle (évolution des sols) mais découle souvent des activités humaines, notamment des pratiques industrielles et agricoles. Les sols pollués peuvent contenir des éléments métalliques (plomb, zinc, arsenic, chrome, cadmium …) ou des composés organiques, tels que les hydrocarbures (HAP - hydrocarbures aromatiques polycycliques-, solvants halogénés comme le trichloréthylène, etc.), les plastiques (macro, micro voire nano-plastiques), les résidus de pesticides ou encore de composés perfluorés (tels les PFAS, des substances per- et polyfluoroalkylées, des composés chimiques largement employés par l’industrie en raison de leurs propriétés de résistance à la chaleur, anti-adhésives et imperméabilisantes) ou encore les dioxines ou les furanes (issus de la combustion des déchets municipaux, de process industriels, par exemple). La population est exposée à ces polluants par inhalation lorsqu’elle vit ou travaille à proximité de sites pollués, mais également via l’alimentation et l’eau de boisson.
Enfin, notre environnement matériel est lui aussi source de pollution. Les plastiques, devenus incontournables, recèlent de nombreux perturbateurs endocriniens, tels que les phtalates ou les bisphénols. De même que les produits d’entretien, les textiles ou l’ameublement, qui incorporent des solvants (cétones, hydrocarbures), des conservateurs (isothianolinomes, bronopol, formaldéhyde) ou des retardateurs de flamme bromés par exemple. Certains bâtiments contiennent encore de l’amiante, un matériau longtemps employé pour la construction, interdit depuis 1997 en France.
Les toxicologues alertent sur les effets cumulatifs, voire potentialisateurs, des polluants. Ainsi, l’exposition à une combinaison de produits chimiques pourrait avoir un effet différent, et potentiellement plus important, que l’addition de leurs effets pris isolément. Ce phénomène a été nommé « effet cocktail ». « Le principe général est que deux substances, prises isolément, peuvent être inoffensives ou très faiblement actives, mais qu’elles peuvent devenir toxiques une fois mélangées », a expliqué William Bourguet, chercheur au Centre de biochimie structurale de Montpellier, dans Le Monde.
Cet effet n’est malheureusement pas pris en compte par la réglementation pour la définition des doses journalières acceptables. Cependant, le nombre de produits chimiques rend l’étude de chacune de ces combinaisons impossibles. Sans oublier que, selon certains experts, sur les 100 000 substances commercialisées dans le monde, seuls 0,5 % sont bien caractérisés et près de 70 % ne disposent d’aucune donnée toxicologique.
Parmi les sujets qui soulèvent de nombreuses questions de politique sanitaire, on trouve par exemple l'exposition aux pesticides. Selon une expertise collective de l’Inserm, un lien a été établi entre l’exposition aux pesticides et le risque de survenue d'une maladie de Parkinson, d’un lymphome non hodgkiniens, d’un myélome multiple, d’un cancer de la prostate, de troubles cognitifs ou d’une pneumopathie chronique obstructive, chez les agriculteurs.
En outre, les chercheurs ont souligné que l’exposition professionnelle aux pesticides des parents est associée à un risque accru de différentes pathologies chez l’enfant, notamment certaines leucémies, les tumeurs du système nerveux central, les troubles du neurodéveloppement. Enfin, des travaux récents ont suggéré que l’exposition à différents cocktails de pesticides présents dans notre alimentation favorisent l’apparition de certains cancers, tel que le cancer du sein et, chez des modèles expérimentaux animaux, aggrave l’asthme.
La présence de perturbateurs endocriniens dans l'eau, l'alimentation et les objets qui nous entourent est désormais considérée comme un enjeu majeur de santé publique. Ces substances, qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système hormonal et induire des effets délétères sur l'organisme ou sur ses descendants, peuvent altérer la fertilité et favorisent certains cancers. Les perturbateurs endocriniens sont aussi suspectés de contribuer à de nombreuses pathologies chroniques : puberté précoce, obésité, maladies thyroïdiennes, maladies congénitales et même troubles de l’immunité.
A l’échelle mondiale, la pollution au plomb est aussi très problématique. En 2023, une étude parue dans The Lancet Planetary Health a révélé que l’exposition au plomb a entraîné le décès par maladies cardiovasculaires de 5,5 millions d’adultes, serait responsable de 95 % des pertes de quotient intellectuel chez les enfants. On peut aussi citer les résidus de médicaments dans l'environnement et le développement de l'antibiorésistance, ou encore les perfluorés qui augmentent le risque de certains cancers et de maladies chroniques, altèrent la fertilité et le développement du fœtus et affectent le foie ou le rein. De même, l’exposition aux plastiques est associée à de nombreuses maladies chroniques (cancers, infarctus, obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, hypertension, infertilité, prématurité, troubles cognitifs).
Des travaux récents réalisés par l’Inserm ont également souligné que l’exposition à la pollution atmosphérique augmente le risque de développer un cancer du sein, aggrave les maladies cardiovasculaires et favorise le développement de démence, notamment de maladie d’Alzheimer.
Il y a aussi les risques « aigus » : en 2018, une étude américaine a révélé qu'une exposition, même brève, aux particules fines pouvait être associée au développement d'infections respiratoires inférieures aiguës chez les jeunes enfants. En outre, des travaux menés en Espagne par l'Institute for Global Health ont montré que si la pollution de l'air n'augmente pas le risque d'être infecté par la Covid-19, elle accroît en revanche celui être atteint d'une forme grave de la maladie.
Mais pour comprendre les mécanismes sous-jacents, d'autres études seront nécessaires. « Pour obtenir des résultats solides, il faut du temps, des moyens et beaucoup d'interdisciplinarité », conclut Sophie Lanone.
La grossesse est un moment de grande vulnérabilité de l'organisme face aux polluants. « Certains polluants de l'air traversent la barrière placentaire et passent de l'organisme de la mère à celui de l'enfant. Or, durant la vie fœtale, les cellules se multiplient et se différencient plus rapidement que les cellules adultes, ce qui leur confère une plus grande sensibilité aux polluants » explique Valérie Siroux, chercheuse dans l'équipe d'épidémiologie environnementale appliquée au développement et à la santé respiratoire à l'Institut pour l'Avancée des Biosciences de Grenoble. « Cela peut entraîner des conséquences sur le développement des systèmes nerveux, respiratoire, immunitaire. »
Une équipe du Muséum national d'histoire naturelle a ainsi montré que les enfants exposés avant la naissance à un mélange de produits chimiques communs risquent un retard dans leur développement cérébral. Il s'agit plus particulièrement de quatre phtalates (des plastifiants) et de trois perfluorés (présents dans les revêtements antiadhésifs et textiles synthétiques).
Il y a quelques années est née l'hypothèse de l'origine développementale de la santé et des maladies (ou DOHaD en anglais). L'idée est la suivante : les expositions environnementales subies durant la phase de développement peuvent avoir un impact sur la santé ultérieure, notamment via la régulation de mécanismes épigénétiques, des modifications chimiques présentes sur l'ADN qui induisent des changements dans la façon dont les gènes s'expriment. « De fait, l'organisme peut garder en mémoire une exposition précoce à des polluants, et en subir les conséquences durant toute la vie. Cette hypothèse résulte d'observations épidémiologiques faites depuis la fin des années 1980, qui montrent des associations entre un petit poids de naissance et l'apparition de maladies cardiovasculaires, respiratoires et de désordres métaboliques à l'âge adulte » raconte Valérie Siroux.
Depuis, il a clairement été démontré que la pollution atmosphérique augmente le risque de prématurité, de petit poids à la naissance, avec pour conséquence probable un important retard de développement intellectuel, et des études suggèrent que ces liens pourraient s'expliquer par des modifications épigénétiques. Il existe donc bien un lien entre pollution, petits poids de naissance et maladies cardiovasculaires ou métaboliques.
Pour étudier ces liens entre pollution et santé, les chercheurs travaillent notamment sur des modèles expérimentaux, des cellules en plein développement exposées à un polluant, par exemple.
Les études épidémiologiques sont aussi très importantes. « Pour qu'elles aient un véritable intérêt, elles doivent être menées sur des populations suffisamment importantes, avec des mesures précises de l'exposition à la pollution d’une part, et des paramètres de santé d'autre part, précise Valérie Siroux. Pour ce qui est de la pollution de l'air par exemple, il n'y a malheureusement aujourd'hui aucun biomarqueur permettant d’évaluer l'exposition individuelle. Il faut donc se baser sur des modèles d'exposition et les données recueillies par les capteurs de pollution atmosphérique. »
La chercheuse participe ainsi à la cohorte SEPAGES lancée en 2014 dans la région grenobloise : 484 couples et leur enfant sont suivis depuis le premier trimestre de grossesse de la mère, afin de caractériser précisément leur exposition aux contaminants de l'environnement et d'en étudier les effets sur la santé de la femme enceinte, du fœtus et de l'enfant. Depuis septembre 2025, la cohorte FILOMENE est en cours de recrutement.
Objectif : inclure 100 000 femmes enceintes, afin d’évaluer leur exposition et celle de leur nourrisson à des combinaisons de polluants, et leur impact sur la santé de l’enfant.
Des modélisations numériques, utilisant l’intelligence artificielle et des données environnementales géoréférencées, permettent de simuler les expositions, exploiter des patterns de combinaisons, les comparer aux données épidémiologiques par exemple.
Depuis quelques années, les avancées de la spectroscopie de masse - une technique très sensible permettant d’analyser des composés organiques solides, liquides ou gazeux - a permis de faire progresser la discipline. Dans un seul échantillon, il est désormais possible d’identifier plusieurs milliers de substances.
Depuis quelques années, la structure France exposome concentre les efforts de recherche afin de décrypter l’exposome chimique, identifier de nouveaux biomarqueurs et les polluants émergents, améliorer et développer de nouveaux outils de modélisations et de mesures.
Si les effets délétères de certains polluants ne sont plus à prouver, il est encore nécessaire de comprendre les mécanismes d’action sous-jacents, afin de prévenir ces effets et aider à la définition de politiques publiques de prévention efficaces. D’autres devront encore faire l’objet d’études approfondies. Sans oublier le défi posé par l’évaluation des effets sanitaires des expositions à des polluants multiples, l’« effet cocktail ». Il reste beaucoup à faire, tant les sources de pollution sont nombreuses.
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