Avec le Dr Mathias Brugel, chercheur dans l’unité « Évaluation des technologies de santé et des pratiques médicales » de l’université de Lille ainsi qu’au département d’épidémiologie et de biostatistiques de l’Imperial College de Londres (Angleterre), et hépato-gastroentérologue au Centre hospitalier de la Côte basque à Bayonne.

D’après l’Institut national du cancer, près de 16 000 nouveaux cas de cancers du pancréas ont été diagnostiqués en France en 2023, dont 52 % chez les hommes. On constate une progression d’environ +1,6 % de cas par an chez les hommes depuis 2010, et de +2,1 % chez les femmes sur la même période. Malheureusement, cette maladie est fréquemment découverte à un stade avancé, et les taux de survie à 5 ans après le diagnostic restent bas.

Les facteurs de risque connus pour ces tumeurs sont le tabagisme, le surpoids et l’obésité, ainsi que des prédispositions génétiques. Mais cela ne suffit pas à expliquer une telle hausse de l’incidence dans notre pays. Cette progression est deux à trois fois plus rapide que dans les autres pays européens ! Or on sait qu’en France nous avons l’un des usages des pesticides les plus intenses au monde.

Une étude épidémiologique dirigée par le Dr Mathias Brugel, gastroentérologue et épidémiologiste, s’est donc intéressée au lien entre l’usage de ces produits et l’incidence locale de la maladie. Elle croise deux bases de données sur la période 2011-2021 : la première renseigne sur le nombre de cancers diagnostiqués à une échelle géographique fine, et l’autre sur les volumes de vente des pesticides pour chaque commune. Il a été identifié un lien, certes de faible intensité mais statistiquement significatif, entre la quantité de pesticides appliqués par unité de surface agricole et le risque de cancer du pancréas.

Des études supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ce lien, et surtout pour comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents. De futures études devront se baser sur des données prospectives et des échantillons biologiques de patients atteints de cancer ou des modèles animaux. Par ailleurs, d’autres facteurs de risques émergents sont à étudier comme les nano- et microplastiques ou les substances perfluorées (PFAS).

Une bonne compréhension des mécanismes qui sous-tendent ce phénomène est essentielle pour informer, légiférer et mettre en place des mesures de prévention efficaces.

Source : European Journal of Epidemiology, 25 novembre 2024.