Portrait de chercheur : Karine Clément

05 novembre 2025

Professeure en nutrition, Karine Clément cherche à mieux comprendre l’obésité sévère afin d’améliorer la prise en charge des patients. À l’occasion des 20 ans du label Équipe FRM qu'elle a obtenu à deux reprises, elle revient sur ce soutien déterminant qui a permis de faire reconnaître cette « graisse » comme un véritable organe et d’ouvrir la voie à de nouvelles approches thérapeutiques.

Portrait de la chercheuse Karine Clément

Karine Clément est professeure en nutrition, spécialiste de la prise en charge des obésités sévères à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, et elle dirige l’Unité « Nutriomique : nutrition et obésité, approches systémiques » (Inserm/Sorbonne Université/AP-HP). Ses recherches fondamentales et translationnelles visent à expliquer les mécanismes de l’obésité et à améliorer la prise en charge des patients. Un enjeu majeur de santé publique, puisque 17 % à 20 % des adultes sont actuellement en situation d’obésité en France 1 (soit environ 10 millions de personnes), avec des chiffres en augmentation et une « épidémie » encore plus rapide chez les jeunes adultes.

L’équipe de Karine Clément a été labellisée Équipe FRM en 2012 et 2020. En 2023, elle a été lauréate de l’appel à projet Prématuration.

En quoi l’obtention du premier label « Équipe FRM » a-t-il été décisif pour vos recherches ?

Le point de départ était une observation inédite, faite dès 2008 au laboratoire : la présence de fibrose 2 dans le tissu adipeux de patients en situation d’obésité. En 2012, notre objectif était d’identifier les cellules à l’origine de cette fibrose et de commencer à explorer les mécanismes en cause. Or, s’agissant de résultats préliminaires et d’un sujet émergent, les financements étaient difficiles à décrocher. Le soutien de la FRM a donc été décisif pour nous permettre de développer cette thématique au laboratoire !

Grâce à cette aide, nous avons notamment accueilli Geneviève Marcelin, de retour de postdoctorat aux Etats-Unis, qui en a fait son sujet d’étude et a par la suite obtenu son poste à l’Inserm en tant que chargée de recherche. Elle a identifié certaines cellules qui fabriquent des fibres de collagène entre les cellules graisseuses dans l’obésité et conduisent à la fibrose observée. Ce processus rend le tissu adipeux « rigide » et altère sa plasticité. Or cette plasticité est indispensable au bon fonctionnement du tissu, qui repose sur la capacité des cellules graisseuses à accumuler les lipides ou à les libérer dans l’organisme en fonction des besoins énergétiques.

Avec la deuxième labellisation, en 2020, quels progrès avez-vous enregistrés ?

Entre-temps, les axes de recherche de l’équipe se sont étendus. Nous avons progressé par exemple dans la compréhension des dialogues entre les organes (le cerveau, le cœur, le foie, l’intestin…) et le tissu adipeux, considéré aujourd’hui comme un organe à part entière qui sécrète des hormones et interagit avec tout l’organisme, ou encore sur l’implication du système immunitaire et de l’inflammation dans l’obésité. Et c’est là où fibrose et inflammation se rejoignent : nous avons en effet découvert que les mécanismes conduisant à la fibrose mettent en jeu des interactions avec des cellules immunitaires infiltrées dans le tissu adipeux.

Nous avons alors développé une stratégie pour interférer avec cette voie. Grâce aussi à un financement de prématuration obtenu en 2023, ce travail porte aujourd’hui ses fruits, car nous venons de montrer que l’administration conjointe de deux molécules déjà sur le marché (un anti-inflammatoire classique et un médicament contre la fibrose pulmonaire) parvient à stopper la fibrose et à limiter la perte des fonctions essentielles du tissu adipeux chez des souris qui miment la maladie. C’est une preuve de concept, avec l’espoir de pouvoir tester cette approche dans des essais cliniques. À terme, notre idée est d’être capable de restaurer la plasticité du tissu adipeux.

Que permet aussi le label Équipe FRM et qui vous semble particulièrement intéressant ?

C’est d’abord un label de qualité, particulièrement apprécié dans le milieu scientifique académique. À l’heure où les financements de la recherche sont toujours plus difficiles à obtenir, l’atout majeur de la FRM est l’accompagnement des chercheurs dans la durée pour donner à la recherche le temps long dont elle a besoin. Et les possibilités qu’offrent ses appels à projets à tous les stades de la recherche, pour les doctorants, postdoctorants, les équipes, etc., sont en phase avec les besoins des laboratoires. Un autre point important est la communication grand public qui est réalisée par la FRM et dont les chercheurs soutenus bénéficient : l’exposé de nos projets et de leurs avancées sur Internet ou même plus largement, comme lorsque Thierry Lhermitte a visité notre laboratoire et fait une chronique sur France Inter. Cela permet de faire connaître nos travaux et, surtout, de relayer des messages de santé publique essentiels. C’est crucial dans l’obésité, qui est une maladie chronique complexe et encore trop stigmatisée ! Nous menons aussi des études cliniques et cela permet de sensibiliser des personnes volontaires qui souhaiteraient y participer.

Equipe Karine Clément

Lexique

  1. Fontbonne, A.; Currie, A.; Tounian, P.; Picot, M.-C.; Foulatier, O.; Nedelcu, M.; Nocca, D. Prevalence of Overweight and Obesity in France: The 2020 Obepi-Roche Study by the “Ligue Contre l’Obésité”. J. Clin. Med. 2023, 12, 925.

  2. Fibrose : remplacement d’un tissu sain (ici le tissu adipeux) par un tissu fibreux qui n’a plus la même fonctionnalité.

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