Développer des biomarqueurs pour déterminer la résistance à l’immunothérapie dans les tumeurs pulmonaires


Au cours des dernières décennies, la recherche a fait des avancées majeures dans le traitement des cancers. Les options thérapeutiques sont désormais nombreuses : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, immunothérapie, thérapies ciblées et autre hormonothérapie. Ces traitements ne sont toutefois pas efficaces sur tous les types de cancer : il est donc nécessaire de bien identifier quel malade répondra à quelle molécule, afin de limiter les effets indésirables et améliorer les chances de guérison.
L'Institut national du cancer (INCa) a dénombré 433 136 nouveaux cas de cancers en 2023 en France : c’est deux fois plus qu’en 1990.
Près des deux tiers des patients sont encore en vie 5 ans après. Mais ces résultats varient fortement, en fonction de la localisation du cancer, de ses caractéristiques intrinsèques et de l’avancée de la maladie.
En 2022, plus de 164 000 décès étaient attribuables au cancer (derniers chiffres disponibles à date) en France. Entre 2003 et 2023, toutes localisations confondues, le nombre de nouveaux cas de cancers a été multiplié par 1,4. Cela correspond à une augmentation de 43 % chez les femmes et de 34 % chez les hommes.
En France, le cancer reste la première cause de mortalité chez les hommes et la seconde chez les femmes.
Face au cancer, plusieurs options thérapeutiques sont disponibles : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, thérapies ciblées, hormonothérapie et immunothérapie. Anticiper l'intérêt et l'efficacité de ces thérapies anti-cancers permet une plus grande personnalisation des traitements, et, en conséquence, une certaine désescalade thérapeutique. L’objectif : mobiliser les traitements les plus adaptés, à leur juste dose, afin d’optimiser les chances de guérison et limiter la toxicité des traitements sur les tissus sains. Mais pour cela, il faut de bons outils.
En effet, si la chimiothérapie et la radiothérapie sont actives contre presque tous les types de tumeurs, il faut parfois varier les doses pour optimiser leur efficacité. Or « plus on les augmente, plus il y a d'effets secondaires, ce que tous les patients ne peuvent supporter », explique le Pr François Ghiringhelli, oncologue médical au centre anticancer Georges-François Leclerc (Dijon). Il faut donc des outils pour anticiper la balance bénéfices/risques de ces traitements. « Avec les nouvelles stratégies thérapeutiques comme les thérapies ciblées et l'immunothérapie, c’est très différent : soit ça marche très bien, soit pas du tout !, poursuit-il. Donc là, il faut des outils pour identifier les patients chez lesquels cela va être utile ».
Apparues en 2000, les thérapies ciblées relèvent de la médecine de précision : elles attaquent les cellules cancéreuses en ciblant précisément une altération moléculaire (ou biomarqueur) impliquée dans leur développement ou dans leur dissémination. Ces thérapies ne peuvent être données « à l’aveugle » à tous les patients car tous les cancers ne présentent pas les mêmes altérations.
Selon l’Institut national du Cancer, il existe aujourd’hui plus d’une centaine de thérapies ciblées différentes, et pour plus de la moitié d’entre elles, les praticiens disposent d’un test moléculaire ou génétique qui sert à vérifier si elles vont être efficaces. Ces tests reposent sur l’identification d’une protéine anormale ou d'une modification génétique. Ils sont réalisés par les plateformes de génétique moléculaire des cancers de l'INCa : en 2020, ces plateformes ont ainsi réalisé 196 000 tests déterminant l’accès à une ou plusieurs thérapies ciblées pour 85 000 patients.
Néanmoins, « la présence d’un biomarqueur ne garantit pas toujours que la thérapie ciblée correspondante va être efficace à 100 % » précise le Pr Christophe Le Tourneau, oncologue médical et responsable des essais précoces à l’Institut Curie (Paris). Notamment à cause de l’hétérogénéité tumorale : au sein d’une même tumeur, certaines cellules peuvent y être sensibles et d’autres non. Or, au fur et à mesure du traitement, le risque est de sélectionner ces cellules cancéreuses résistantes. Les cellules peuvent aussi acquérir au cours de leur développement de nouvelles mutations qui vont les rendre résistantes.
De sorte qu’une thérapie ciblée ne suffit jamais à elle seule à guérir un cancer : les médecins ont maintenant besoin d'outils pour mieux comprendre la composition et la dynamique intra-tumorale, anticiper et donc contrer ces phénomènes de résistance.
Autre stratégie récente, l’immunothérapie, qui consiste à stimuler le système immunitaire pour qu’il s'attaque aux cellules cancéreuses, ou à bloquer les mécanismes utilisés par ces dernières pour échapper aux défenses de l’organisme. Quand cette approche fonctionne, la réponse au traitement est très bonne et durable. Mais il est pour l’instant difficile de prévoir quels patients vont répondre ou pas.
Le niveau d’expression à la surface des cellules cancéreuses de molécules appelées PD-L1 est l’un des marqueurs utilisés actuellement. Ces molécules ont une action inhibitrice sur l’immunité : ainsi, plus PD-L1 est présent et plus, il y a des chances qu’une immunothérapie anti PD-L1 soit efficace. Mais il existe aussi des tumeurs avec une faible expression qui répondent quand même au médicament. C’est pourquoi les chercheurs travaillent à d’autres tests.
Pour des stratégies plus classiques comme la chimiothérapie et la radiothérapie, l’objectif est plutôt d’anticiper l’intérêt ou la toxicité des traitements, pour ne les employer que lorsque la balance bénéfices/risques est avantageuse.
Depuis quelques années, il existe par exemple des tests qui analysent la signature génétique d'une tumeur du sein pour en évaluer le risque de récidive ou de métastases. Ces tests analysent une ou plusieurs dizaines de gènes, et servent à épargner une chimiothérapie et ses effets secondaires aux femmes dont le risque de récidive estimé est très faible après chirurgie.
Quant à la radiothérapie, il existe des tests pour anticiper les effets secondaires tardifs, notamment de fibrose de la peau. Ainsi, chez les patientes ayant un cancer du sein, le test dit d'« apoptose lymphocytaire », qui mesure dans le sang la mort des lymphocytes après irradiation, permet d'évaluer les risques et d'adapter en conséquence la prise en charge thérapeutique. Des études sont en cours pour évaluer la validité de ce test dans le cadre du cancer du poumon et celui de la prostate.
Il y a également des tests basés sur les caractéristiques génétiques des tumeurs mais ils sont encore en phase préliminaires de développement. C'est le cas pour la radiothérapie adjuvante, un type de radiothérapie qui vient compléter un premier traitement anticancer, par exemple une chirurgie ou une chimiothérapie. Elle est utilisée contre de nombreux cancers. Ces tests serviront à évaluer à l'avance le risque d'effets secondaires tardifs et à adapter la prise en charge en conséquence.
La recherche tente d’améliorer les traitements existants, d’identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques, mais également de mieux cibler les patients pouvant en bénéficier.
Pour mieux prédire l’efficacité de l’immunothérapie, les chercheurs explorent de nombreuses pistes. Ils savent par exemple que les tumeurs qui présentent une grande quantité de mutations dans leur information génétique (charge mutationnelle) forte ont plus de chance de bien répondre. Des tests sur cette approche sont en cours. Autre piste : une équipe de recherche française a montré qu’il est possible de prédire la réponse à l’immunothérapie grâce au score radionomique. Celui-ci est défini par un programme d’intelligence artificielle qui analyse les images obtenues par scanner et détermine à quel point la tumeur est infiltrée par les cellules immunitaires de type lymphocytes CD8. Plus le score est élevé et meilleure est la réponse à l’immunothérapie. Une autre équipe a, quant à elle, montré que la composition du microbiote digestif pouvait fournir des indicateurs sur l’efficacité d’une immunothérapie ! Cela laisse imaginer que l’on pourrait influer sur la composition du microbiote digestif des patients et augmenter ainsi l’efficacité d’une immunothérapie. Une hypothèse qui reste à tester.
Concernant les thérapies ciblées, les chercheurs poursuivent leurs efforts pour identifier de nouvelles cibles moléculaires susceptibles d’aider l’organisme à détruire les cellules tumorales ou d’améliorer l’efficacité des thérapies existantes. Les découvertes sur ce terrain se succèdent rapidement. Pour avoir accès à ces thérapies, il est toutefois nécessaire d’identifier, en parallèle, une mutation génétique ou un biomarqueur spécifique pour savoir quelle tumeur sera sensible au traitement, ou non. Selon l’Inca, il n’existe actuellement qu’une soixantaine de tests disponibles, pour une centaine de thérapies différentes. Certaines thérapies ciblées ne disposent donc pas encore de biomarqueurs prédictifs : la recherche est donc très active dans ce domaine.
Des équipes travaillent aussi à la mise au point de « chimiogrammes » qui permettent d'évaluer à l'avance quelle chimiothérapie va être la plus efficace, en exposant simplement ex vivo des cellules tumorales du patient à plusieurs molécules. Autre révolution en cours, celle des organoïdes. Des scientifiques ont réussi à créer des reproductions en 3D et in vitro de tumeurs, à partir des cellules tumorales des patients. Ces mini-tumeurs, appelés « organoïdes » ou « tumoroïdes », disposent des mêmes caractéristiques que la tumeur initiale. Ils permettent de tester les différents traitements afin de sélectionner la stratégie la plus efficace.
La radiothérapie entre aussi dans une nouvelle ère. Après avoir réduit la durée et les effets secondaires de ce traitement, la recherche explore désormais des radiothérapies « flash » : des rayons 10 à 15 fois plus puissants, délivrés en moins d’une seconde, sur seulement deux ou trois séances. Testée chez le rongeur, cette technique parvient à détruire les tumeurs, en épargnant davantage les tissus sains.
Les chercheurs explorent par ailleurs de nouvelles stratégies thérapeutiques. Certaines cellules cancéreuses développent des mutations qui les rendent résistantes aux traitements ou capables de se disséminer. Beaucoup de recherches portent sur ces aspects. Par exemple, une équipe de l’institut Curie, du CNRS et de l’Inserm a montré que certaines cellules cancéreuses accumulent des métaux pour survivre aux chimiothérapies. En les oxydant, ils ont réussi, chez l’animal, à détruire ces cellules récalcitrantes. L’immunothérapie progresse également. Les thérapies cellulaires CAR-T utilisent les propres lymphocytes T du patient, modifiés par thérapie génique pour traquer les tumeurs. Des versions génériques, incluant des altérations classiques issues de donneurs sains, sont en cours de développement. Autre piste : les vaccins anticancer. Ils visent à entraîner le système immunitaire à reconnaître les cellules tumorales, afin de prévenir les rechutes.
Des chercheurs travaillent enfin à la mise au point d’algorithmes capables de compiler, via une application, différentes données cliniques afin d’établir un pronostic d’efficacité du traitement. Des données génétiques, d’imagerie médicale, d’anatomopathologie et cliniques permettront à l’IA de prédire la meilleure stratégie thérapeutique.
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