Covid long : une infection persistante dans le cerveau et des modifications du fonctionnement des neurones
07 octobre 2025


07 octobre 2025
Que se passe-t-il dans le cerveau des personnes qui souffrent d’un Covid long et présentent, plusieurs semaines ou mois après l’infection virale, des troubles de l’humeur, de la mémoire ou un brouillard cognitif ? Une étude, menée par des chercheurs de l’Institut Pasteur, révèle les effets à long terme de l'infection par le SARS-CoV-2 sur le métabolisme cérébral et le comportement. Guilherme Dias de Melo nous présente le résultat de ses travaux.
Projet mené par Guilherme Dias de Melo est chargé de recherche dans l’équipe « Lyssavirus, épidémiologie et neuropathologie » à l’Institut Pasteur, à Paris.
Dès mon cursus de médecine vétérinaire à l’Université de l’État de São Paulo, au Brésil, je me suis orienté vers la recherche sur les zoonoses, ces maladies transmissibles entre les animaux et les humains. Dans ce cadre, je me suis particulièrement intéressé aux pathogènes neurotropes – qui infectent le système nerveux central – et aux perturbations cérébrales qui s’ensuivent.
Après mon diplôme, j’ai choisi de me tourner vers la carrière académique et de faire un doctorat de sciences au Brésil. J’ai découvert l’Institut Pasteur durant un an lors de ma 3e année de thèse, pour y mener des expériences techniques particulières. J’y suis ensuite revenu en postdoctorat. En 2018, j’ai rejoint mon laboratoire actuel pour étudier le virus de la rage et en 2022 j’ai eu un poste de chercheur… Entretemps, la Covid-19 s’est invitée et l’équipe a bien sûr fait partie de la task-force de Pasteur qui a travaillé sur le virus SARS-CoV2 pour comprendre les mécanismes de l’infection cérébrale et l’anosmie. C’est à ce moment-là que nous avons bénéficié du soutien de la FRM, au travers de l’appel à projet conjoint avec l’ANRS-MIE1.
Nous avons cherché à comprendre ce qu’il se passe dans le cerveau dans les mois qui suivent la phase aiguë de l’infection par le SARS-CoV-2. En effet, alors qu’elle est résolue, 6,5 à 10 % des patients continuent à présenter une multitude de symptômes au-delà de 3 mois et ce jusqu’au moins 12 mois après l’infection, ce qu’on nomme « Covid long » : fatigue, problèmes respiratoires et aussi neuropsychiatriques, comme des troubles de la mémoire, de l’anxiété, une dépression. Pour explorer les mécanismes en cause sur le long terme, nous avons utilisé le hamster, qui est naturellement infecté par le SARS-CoV2 et développe une Covid semblable à la maladie humaine.
Nous avons suivi durant 80 jours les animaux après l’infection ( l’ « équivalent » de plusieurs mois, voire années chez l’humain ), en analysant les données cliniques, comportementales, virologiques et transcriptomiques2. Et nos résultats sont surprenants ! Ils montrent que le SARS-CoV-2 infecte très rapidement le cerveau, en phase aiguë, avec une réponse inflammatoire qui disparaît ensuite. Mais le virus persiste au moins pendant les 80 jours de notre étude en donnant des symptômes comparables aux symptômes du Covid long humain : comportement dépressif, altération de la mémoire à court terme et signes d’anxiété.
De plus, cette phase s’accompagne d’une signature moléculaire « neurodégénérative » en phase aiguë comme en phase tardive : c’est-à-dire une dérégulation des gènes impliqués dans la communication entre neurones ainsi qu’une altération du métabolisme énergétique. L’hypothèse, évidemment, est que de telles modifications cérébrales pourraient être à l'origine des signes d'anxiété, de dépression et de pertes de mémoire observés chez les patients.
Vue en microscopie à fluorescence de cellules infectées par le virus SARS-CoV-2 dans le cerveau de hamster infecté
Légende : Deux protéines virales sont marquées, l’une en vert ( la protéine spike ) et l’autre en rose ( la nucléoprotéine ). Les noyaux des cellules cérébrales sont marqués en bleu.
©Anthony Coleon-Institut Pasteur.
Notre étude a donc confirmé que le SARS-CoV-2 est un virus qui infecte le cerveau et qu’il peut y persister sous une forme infectieuse. En reproduisant certains des symptômes du Covid long au laboratoire, cela démontre l’origine biologique de cette affection, ce qui est important pour la reconnaissance de cette affection.
Notre objectif aujourd’hui est comprendre l’origine de ces symptômes persistants : quelles sont les cellules qui hébergent le virus, où sont-elles localisées dans le cerveau ? Comment se comportent-elles ? Quels sont les stimuli qui déclenchent les marqueurs de dégénérescence ? Ce phénomène est-il la conséquence de la phase aiguë, de l’inflammation notamment ? Ou est-ce une intensification d’un processus neurodégénératif déjà engagé ?
Ces travaux pourraient aussi peut-être nous aider à mieux comprendre certains facteurs en cause dans le développement de maladies neurodégénératives, dont la dépression est souvent un symptôme précoce. Un projet, donc, qui pourrait nous emmener au-delà de la Covid-19, sur d’autres terrains neurologiques …
Mais dans l’immédiat, avec ces recherches fondamentales, nous espérons identifier des marqueurs qui facilitent le diagnostic des patients et des cibles thérapeutiques pour améliorer leur prise en charge. Nous venons d’ailleurs de décrocher un financement « Prématuration » de la FRM pour poursuivre en ce sens.
Publication : Coleon A, Larrous F, Kergoat L et al. Hamsters with long COVID present distinct transcriptomic profiles associated with neurodegenerative processes in brainstem. Nat Commun 2025 : 16, 6714. Collection HAL FRM : https://hal.inrae.fr/FRM/pasteur-05176661v1
Somme accordée à Ghilherme Dias de Melo en 2021 au travers de l’appel à projet conjoint avec l’ANRS-MIE.
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