Améliorer l’évaluation des traitements contre la dépression

31 mars 2025

Pour clôturer notre Semaine de la recherche en Santé mentale 2025, notre parrain Thierry Lhermitte s'est rendu à l’Hôtel Dieu, à Paris, rencontrer une équipe du CRESS le Centre de Recherche en Épidémiologie et Statistiques Université Paris Cité/Inserm.

Il y a été accueilli par les professeurs Philippe Ravaud et Isabelle Boutron, qui lui a succédé à la tête du centre depuis peu et qui dirige l’équipe METHODS, dont l'objectif est d'améliorer l’évaluation des traitements dans les maladies chroniques.

Au sein de l'équipe, la docteure Astrid Chevance, psychiatre, cheffe de clinique en santé publique, enseignante et chercheuse, poursuit ses recherches dans le champ de la dépression. Sa thèse a été financée par la Fondation pour la Recherche Médicale de 2017 à 2020.

Cette rencontre a fait l'objet de la Chronique Santé de Thierry Lhermitte diffusée le 31 mars dernier dans Grand Bien Vous Fasse sur France Inter, à (ré)écouter en replay ci-dessous.


Ali Rebeihi : Pourquoi est-il important de mieux évaluer les traitements des maladies ?

Thierry Lhermitte : Cette évaluation a peu changé depuis 50 ans, et elle reste perfectible.

Comment évalue-t-on un nouveau traitement ? On réalise des essais cliniques randomisés, c'est à dire dans lesquels le traitement à l'essai et le traitement témoin sont répartis aléatoirement entre les patients. Ensuite des spécialistes font la synthèse de ces essais pour élaborer des recommandations.

Mais il y a des écueils :

  • les patients inclus dans les essais clinique sont souvent différents des patients traités en vie réelle : il y a par exemple moins de femmes et de personnes âgées ;
  • autre problème : on mesure un effet moyen du traitement, qui ne tient pas compte des différences de réponse entre les patients ;
  • on n’évalue pas non plus l’effet cumulé des médicaments chez les patients avec plusieurs maladies chroniques ;
  • et enfin, avec la production des connaissances et le développement de nouveaux traitements qui s’accélère chaque année, la synthèse des résultats peut difficilement se faire en temps réel… Il faut dire qu’il y a 35 000 nouveaux essais cliniques dans le monde chaque année !

Résultat : les recommandations pour la pratique clinique sont souvent en retard par rapport aux avancées scientifiques et elles ont du mal à répondre aux besoins individuels des patients.

Ali Rebeihi : Et donc l’équipe veut proposer des méthodes innovantes d’évaluation des traitements ?

Thierry Lhermitte : Exactement, en repensant la manière de réaliser les études :

  • en faisant participer les patients et leurs proches dès la conception des études, c’est la recherche participative ;
  • et en exploitant l’énorme quantité de données disponibles issues des hôpitaux, des essais cliniques, des capteurs des patients, etc. et qui sont sous-utilisées aujourd’hui.

Au lieu donc de tirer des conclusions de quelques centaines ou milliers de patients inclus dans des essais cliniques randomisés, l’idée est d’étudier les données en vie réelle de millions de gens traités et d’en faire une synthèse en temps réel.

Pour faire cela, l’équipe regroupe des cliniciens, des statisticiens, des mathématiciens, des informaticiens.

Son ambition est de déterminer, dans une maladie donnée, la thérapie la plus adaptée pour un type de patients particulier à un temps T. C’est-à-dire aller davantage vers une médecine de précision.

Ali Rebeihi : C’est dans cette optique qu’Astrid Chevance travaille à l’évaluation des traitements de la dépression ?

Thierry Lhermitte : Oui, la dépression est un vrai sujet de santé publique, puisque c’est le trouble mental le plus fréquent : 1 Français sur 5 est touché au cours de sa vie.

Durant sa thèse, la docteure Chevance, a réalisé une enquête internationale à laquelle ont répondu 3 000 personnes d’une cinquantaine de pays : des patients, des proches de patients et des soignants. L’objectif était de comprendre précisément leurs attentes vis-à-vis des traitements de la dépression.

En analysant quelque 9 000 réponses rédigées par les personnes interrogées, elle a identifié 80 domaines d’intérêt mesurables, dont une grande part ne sont jamais évalués dans les études… Alors même qu’ils constituent des objectifs importants pour les patients et leurs proches.

À l’aide des verbatims recueillis, Astrid Chevance a réalisé un dictionnaire de la dépression, qui a été publié dans un journal international et qui est utilisé par les professionnels.

En parallèle, elle a recensé et analysé tous les critères de jugement utilisés dans les études qui évaluent les traitements de la dépression. Son objectif, maintenant, est de les compléter à l’aide des attentes principales des patients, de manière à élaborer de nouveaux critères qui permettront de mieux évaluer les thérapies de la dépression.

Ali Rebeihi : Et toutes les personnes concernées par la dépression, diagnostiquées ou non, peuvent participer à l’étude en cours ?

Thierry Lhermitte : Oui, car le professeur Ravaud a développé une plateforme qui réunit des patients atteints de maladies chroniques, dont on avait déjà parlé pour l’endométriose : cela s’appelle COMPARE.

Il y a 5 600 personnes déjà inscrites pour la dépression, et l’objectif est de 10 000. Donc si les gens veulent participer en répondant à quelques questions, c’est accessible en ligne : compare.aphp.fr.

Cela contribuera à faire avancer ces recherches pionnières sur la dépression !

Astrid Chevance a d’autres cordes à son arc : elle réalisé un court-métrage de sensibilisation à la dépression « Et toi ça va ? », et a aussi dirigé un ouvrage collectif intitulé « En finir avec les idées reçues sur la santé mentale et la psychiatrie », paru en 2022 aux éditions de l’Atelier.

Savez-vous que transmettre à la Fondation pour la Recherche Médicale peut sauver des vies ?

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