Endométriose : mieux évaluer les effets des traitements hormonaux et valider une approche chirurgicale innovante
L’endométriose est une pathologie encore méconnue. Elle touche pourtant près de 1,5 millions de femmes en France. Sa prise en charge repose sur des traitements hormonaux et une chirurgie est pratiquée lorsque les symptômes sont trop importants. Les chercheurs se mobilisent pour mieux comprendre les origines de la maladie et développer des thérapies mieux adaptées.

L'endométriose, une maladie féminine encore méconnue
Les explications de la Pr Krystel Nyangoh Timoh, Professeur des universités - Praticien hospitalier, gynécologue-obstétricienne au CHU de Rennes.
Quelques chiffres sur l'endométriose
L’endométriose est une pathologie chronique fréquente. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle concernerait environ 10 % des femmes en âge de procréer dans le monde, et 1,5 millions de françaises. Autre chiffre impressionnant souligné par le Ministère de la santé : le retard de diagnostic lié à la maladie serait de 7 ans. Par ailleurs, selon l’Inserm, 30 à 40 % des femmes avec une endométriose présentent des troubles de la fertilité. Ces données montrent l’importance de la pathologie dans la population et les problèmes de santé publique posés.
Qu'est-ce que l'endométriose ?
L’endométriose se définit par la présence de fragments d’endomètre, la muqueuse interne de l’utérus, en dehors même de cet organe. On distingue différentes formes de la maladie selon la localisation des lésions, qui peuvent être retrouvées dans le péritoine, les ovaires, le rectum, les intestins… La présence de cellules de l’endomètre hors de leur tissu d’origine pose un véritable problème. Car à l’instar de leur tissu d’origine, elles réagissent aux variations hormonales liées aux cycles menstruels, principalement aux taux d’œstrogènes.
Les origines de la pathologie sont mal connues. On a longtemps incriminé les menstruations rétrogrades, c’est-à-dire du sang qui, durant les règles, atteint la cavité péritonéale via les trompes utérines. Ce phénomène existe cependant chez 90 % des femmes, alors que seulement 10 % souffrent d’endométriose ! Des recherches sont menées afin de découvrir les phénomènes en jeu.
Quels sont les symptômes de l'endométriose ?
Le principal symptôme de l’endométriose est la douleur au niveau du pelvis. Celle-ci est le plus souvent corrélée au cycle menstruel. Elle devient plus forte au moment des règles, mais se manifeste parfois de manière continue. Certaines femmes ressentent également des douleurs lors des rapports sexuels, lors de la défécation ou de la miction, majoritairement en période de règles. L’endométriose peut évoluer, provoquant des douleurs de plus en plus importantes au fur et à mesure du temps. D’autres signes plus discrets peuvent se manifester, comme la présence de sang dans les urines ou les fèces, des nausées et des vomissements.
L’endométriose est aussi vectrice d’infertilité, lorsque le tissu de l’endomètre engendre des dysfonctionnements, voire un blocage des ovaires. Certaines formes asymptomatiques de la maladie ne sont d’ailleurs découvertes qu’au moment d’un bilan d’infertilité. En outre, des fausses couches et des retards de croissance du fœtus peuvent avoir lieu.
La pathologie peut ainsi avoir des retentissements très larges sur la santé. Pour certains chercheurs, l’endométriose n’est pas une maladie gynécologique, mais une maladie chronique systémique avec une expression gynécologique forte et des répercussions sur l’ensemble de la santé physique et mentale.
Plusieurs facteurs de risque avérés ont été mis en évidence dans l’endométriose : un petit poids de naissance, un indice de masse corporelle ou IMC faible dès l’enfance et jusqu’à l’âge adulte, ainsi que des menstruations précoces et des cycles courts, inférieurs à 24 jours.
S’y ajoutent des facteurs génétiques : selon l’Inserm, leur part dans la survenue de la maladie serait de 10 %, sans qu’aucun « gène de l’endométriose » n’ait été identifié. Il s’agirait plutôt d’une combinaison de plusieurs facteurs génétiques. Leur caractérisation pourrait permettre de diagnostiquer précocement la maladie et donc d’accélérer sa prise en charge.
Comment l'endométriose est-elle diagnostiquée ?
Le diagnostic de l’endométriose repose d’abord sur un interrogatoire clinique, qui s’intéresse aux douleurs de façon globale, à leurs liens avec le cycle menstruel, et à l’ensemble des répercussions sur la vie quotidienne de la patiente. En deuxième intention, lorsque les médecins pensent que les lésions sont plus profondes ou lorsque le diagnostic est incertain, une échographie endovaginale ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) peut être réalisée.
Enfin, tout récemment, un test salivaire appelé Endotest a été mis au point pour dépister la maladie. Il s’agit d’un auto-prélèvement permettant de mettre en évidence des biomarqueurs de la pathologie. Ce test est particulièrement adapté lorsque l’examen clinique et l’imagerie sont discordants. La Haute autorité de santé (HAS) a émis un avis favorable à son remboursement dans le cadre du forfait innovation, offrant la possibilité aux patientes d’avoir accès à ce test, en même temps que les recherches visant à confirmer son intérêt médical et économique se poursuivent.
Quels sont les traitements de l'endométriose ?
La prise en charge de l’endométriose repose actuellement sur trois techniques, utilisées en fonction des symptômes mais aussi des désirs de grossesse de la patiente.
Les traitements pharmacologiques
Les traitements hormonaux de l’endométriose visent principalement à réduire l’impact des cycles menstruels sur les symptômes de la maladie. Plusieurs types de contraceptifs peuvent être prescrits, par exemple des œstroprogestatifs ou des microprogestatifs oraux. D’autres médicaments comme des antalgiques et des anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être utilisés en complément afin de limiter la douleur.
L’intervention chirurgicale
En cas de douleurs trop importantes et d’inefficacité des traitements hormonaux, une chirurgie peut être envisagée. Le geste varie selon la région dans laquelle les lésions d’endométriose sont situées. Il consiste à retirer les zones affectées où les cellules de l’endomètre se sont logées.
L’aide à la procréation
En cas de désir de grossesse et face à une infertilité, une assistance médicale à la procréation peut être proposée. Cette prise en charge passe par la stimulation ovarienne pour les endométrioses légères à modérées, ou par la fécondation in vitro pour les endométrioses plus importantes.
Quels sont les axes de recherche sur l'endométriose ?
La recherche sur l’endométriose est très active. Les études portent notamment sur les causes de la pathologie, son évolution et les facteurs qui l’influencent.
Étudier les facteurs de risque génétiques de l’endométriose
Les scientifiques explorent les facteurs de risque génétiques de l’endométriose. Ils s’intéressent non seulement aux gènes mis en cause dans la maladie, mais aussi aux facteurs épigénétiques, car des changements dans l’activité des gènes peuvent s’opérer sans que l’ADN ne soit modifié. Ces travaux pourraient améliorer le diagnostic et la prise en charge de la pathologie. Ils favorisent également la mise en évidence de cibles thérapeutiques potentielles.
Analyser les causes non génétiques de l’endométriose
Des équipes de recherche travaillent sur le microbiote intestinal, qui serait capable de moduler les taux d’œstrogènes, donc d’influencer l’endométriose. D’autres équipes se penchent sur le contexte immunologique de la maladie. Ils tentent de comprendre pourquoi les cellules immunitaires ne bloquent pas l’implantation d’endomètre en dehors de l’utérus, ou comment l’inflammation chronique caractéristique de la maladie se met en place.
Des travaux portent aussi sur l’exposition aux polluants, comme la dioxine et certains pesticides, et aux perturbateurs endocriniens. Différentes substances présentes dans l’environnement interagissent en effet avec le système hormonal, induisant des déséquilibres néfastes pour l’organisme. En matière d’hormones, celles produites par la thyroïde émergent comme une piste sérieuse jouant un rôle clé dans le développement de l’endométriose.
Enfin, les chercheurs s’intéressent également à la concomitance entre l’endométriose et d’autres pathologies chroniques avec des symptômes similaires, comme les maladies chroniques inflammatoires de l’intestin ou MICI, afin de mieux les distinguer et ainsi, accélérer le diagnostic et la prise en charge des patients.
Améliorer le diagnostic de l’endométriose
D’un point de vue diagnostic, des avancées sont attendues dans le domaine de l’imagerie, évitant la réalisation de biopsies trop invasives. Des investigations sur des biomarqueurs sont aussi en cours, pour un diagnostic plus fiable et plus rapide.
Depuis le début de l’année 2025, l’Endotest, développé par la société française Ziwig, est pris en charge par la Sécurité sociale dans le cadre d’une expérimentation nationale. Non invasif et disponible dans 80 centres, il permet une détection plus rapide et moins contraignante de l’endométriose. Ce test salivaire pourrait révolutionner le diagnostic, traditionnellement long et difficile, en facilitant l’accès à un dépistage précoce.
Mieux prendre en charge la douleur
Des études cliniques sont actuellement menées afin de préciser l’intérêt de la neurostimulation transcutanée (TENS) dans la prise en charge de la douleur provoquée par l’endométriose. Cette approche consiste à court-circuiter le message douloureux par la délivrance cutanée de faibles décharges électriques. Des recherches explorent par ailleurs l’utilisation de dérivés du cannabis pour soulager les douleurs chroniques, la dysménorrhée et la dyspareunie, douleurs ressenties pendant les règles et les rapports sexuels. L’utilisation de la réalité virtuelle est aussi exploitée, offrant une approche complémentaire aux traitements existants.
Développer de nouvelles approches thérapeutiques
La molécule PBRM suscite de l’intérêt, car elle inhibe de façon sélective l’activité d’une enzyme indispensable à la production d’œstradiol. Des essais cliniques ont déjà montré une bonne tolérance du médicament, avec une réduction significative des lésions d’endométriose. Le dichloroacétate est un autre composé étudié pour cibler le métabolisme des cellules atteintes par la maladie. L’essai clinique EPIC2 lancé au Royaume-Uni vise à déterminer son efficacité sur la douleur et la dose idéale à administrer. Dans cette lignée, un des enjeux de la recherche est également de prédire les effets des traitements dans le but d’adapter la prise en charge à chaque situation.
Optimiser la chirurgie et la qualité de vie des patientes
La recherche s’attache enfin à développer de nouvelles techniques chirurgicales et des robots pour améliorer la prise en charge de l’endométriose et offrir aux patientes une meilleure qualité de vie. La pathologie pouvant entraîner des risques de fausses couches et des retards de croissance du fœtus, les conséquences néfastes de l’endométriose sur la procréation sont également passées au peigne fin en vue de mieux accompagner les désirs de grossesse.
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