Hypertension artérielle pulmonaire : un nez électronique pour dépister la maladie

06 février 2017

L'hypertension artérielle pulmonaire est une maladie aussi rare que grave et dont le dépistage reste difficile L'équipe du Pr Marc Humbert élabore, en collaboration avec des chercheurs israéliens, un nez électronique capable de repérer la signature olfactive de la maladie. Un espoir pour faciliter son dépistage et, par extension, sa prise en charge à l'avenir.

Hypertension artérielle pulmonaire : un nez électronique pour dépister la maladie

Pourquoi travailler sur un nez électronique ?

De très nombreuses molécules qui circulent dans le sang reflètent le fonctionnement de notre organisme. Le diagnostic de certaines maladies est ainsi réalisé à partir d'une simple prise de sang. Dans l'air qui sort de nos poumons, c'est un peu la même chose : on trouve des molécules appelées « composés organiques volatiles » (COV) qui peuvent être caractéristiques d'une maladie. Parfois, ces COV composent même des odeurs particulières : par exemple, l'haleine d'un tuberculeux sent la bière alors que celle d'un diabétique rappelle plutôt l'odeur du foin. Mais une maladie n'est pas toujours liée à une odeur spécifique. Alors, pour détecter de façon fiable et reproductible les COV, des équipes de recherche mettent au point des nez électroniques.

Pourquoi étudier l'hypertension artérielle pulmonaire ?

L'hypertension artérielle pulmonaire résulte d'un rétrécissement progressif du diamètre des vaisseaux sanguins des poumons, qui entraîne une élévation de la pression sanguine. Le cœur, qui doit envoyer le sang aux poumons pour l'oxygéner, s'épuise alors. À terme, c'est l'insuffisance cardiaque. Si cette hypertension n'est pas traitée, la survie moyenne d'un malade est estimée à moins de 5 ans. Or les symptômes de la maladie sont peu caractéristiques (essoufflement à l'effort, fatigue chronique) et le dépistage difficile : pour mesurer la pression artérielle pulmonaire, il faut insérer un cathéter (un long tube flexible) jusque dans le cœur. Une technique lourde et coûteuse, impossible à pratiquer chez toutes les personnes essoufflées ! D'où l'intérêt du nez électronique qui permettrait un dépistage plus facile et surtout précoce de la maladie.

Comment fonctionne le nez électronique ?

Il s'agit d'un appareil contenant plusieurs centaines de nanodétecteurs capables de réagir à autant de COV. Il ne suffit pas d'un seul COV pour établir un diagnostic mais d'une combinaison particulière de plusieurs molécules qui constitue la « signature » olfactive de la maladie. Ce nez électronique a été mis au point par une équipe de recherche de l'Institut Technion d'Haïfa (Israël) en collaboration avec le Pr Humbert et ses collègues chercheurs à l'Inserm. En 2013, les chercheurs ont démontré l'efficacité de la machine, capable de distinguer les malades des personnes saines, et même de discriminer les patients avec ou sans mutation du gène BMPR2 (principale cause d'hypertension pulmonaire familiale), car la signature olfactive de la maladie diffère selon la présence ou non de la mutation.

Quelle est l'avancée du projet ?

En mars 2016, une vaste étude clinique prospective a été lancée. Plusieurs centaines de personnes vont être recrutées : des volontaires sains, des patients à différents stades de leur maladie, porteurs ou non de la mutation du gène BMPR2. L'objectif est notamment d'apprendre au nez à identifier précocement les sujets à risques (ceux porteurs de la mutation mais dont la maladie ne s'est pas encore déclarée). Chaque personne va souffler dans deux ballons qui seront analysés en Israël. Les premiers résultats sont attendus pour l'année 2018. « Si le nez électronique remplit les objectifs visés, il ne remplacera pas complètement le cathéter cardiaque, mais il permettra de rendre cet examen lourd moins fréquent, et servira d'outil de dépistage chez les personnes à risques », résument les chercheurs.

D'autres nez électroniques sont-ils en développement ?

À l'Institut Technion d'Haïfa, les chercheurs travaillent depuis plusieurs années à la détection dans l'air exhalé de la signature olfactive de différents cancers (poumon, estomac). Aux États-Unis et à Taïwan, d'autres équipes développent des nez capables de « sentir » une septicémie à partir d'un échantillon sanguin (actuellement, il faut plusieurs jours pour confirmer ce diagnostic car des cultures bactériennes sont nécessaires). À l'université de Liverpool, c'est une machine capable de diagnostiquer un cancer de la vessie en analysant les COV présents dans l'urine que l'on met au point. Pour l'instant, tous ces nez ne sont encore qu'à l'essai.

Avec le Pr Marc Humbert, chef du service de pneumologie de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, et directeur de l'unité Hypertension artérielle pulmonaire : physiopathologie et innovation thérapeutique.