Tout savoir sur la dépression

La dépression touche environ 280 millions de personnes dans le monde, un chiffre si important que certains n’hésitent plus à parler d’épidémie mondiale. L’arsenal thérapeutique s’est étoffé : nouveaux médicaments, thérapies cognitivo-comportementales… Mais il reste beaucoup à faire pour comprendre les mécanismes biologiques et psychiques de la dépression et contourner la résistance aux traitements et en réduire les effets secondaires.

Des chiffres frappants en France et dans le monde

La dépression est une maladie très répandue : elle touche environ 280 millions de personnes dans le monde et l’Inserm estime à 20 % la part de la population française qui souffre au moins une fois dans sa vie de cette affection.

Les derniers chiffres de l’étude CoviPrev, mise en place par Santé Publique France pour évaluer la santé mentale des Français à la suite de l’épidémie Covid-19, montre l’importance des troubles dépressifs dans la population. Ainsi, fin novembre 2023, 16 % des Français montraient des signes d’un état dépressif et 23 % des signes d’un état anxieux.

Nous pouvons être touchés à tout moment de la vie. Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), dans le monde la dépression frappe 1,1 % des adolescents âgés de 10 à 14 ans et 2,8 % des adolescents âgés de 15 à 19 ans. Une étude de Santé Publique France effectuée en 2021 montre que, 2 mois après l’accouchement, une femme sur 6 présentait une dépression post-partum.

Un facteur de risque de suicide

En outre, la dépression constitue un facteur de risque important de suicide : le risque de tentative de suicide est multiplié par 30 en cas d’épisode dépressif d’après le site de l’Inserm. Selon Santé Publique France, on compte environ 9 000 décès annuels par suicide, soit un des taux les plus élevés d’Europe et la 1ère cause de décès des 25-34 ans. Toujours selon l’étude CoviPrev, 10 % des Français ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année 2023.

Les idées suicidaires concernent aussi les femmes après l’accouchement, puisqu’une femme sur 20 déclarait en avoir eu d’après l’étude de Santé Publique France citée ci-dessus. A noter, environ un quart des décès par suicide dans le monde concerne des personnes âgées de 60 ans ou plus selon l’OMS.

Dépression : quels sont les symptômes ?

La dépression est un trouble de l’humeur qui se traduit par une perte de motivation, un manque d’estime et de confiance en soi. Elle engendre une souffrance psychique quasi permanente et durable avec un retentissement sur la vie quotidienne. On parle de dépression lorsque cet état subsiste pendant plus de deux semaines.

Le diagnostic de dépression repose sur un examen clinique réalisé par un professionnel. Un épisode dépressif majeur chez l’adulte est défini par des symptômes primaires : humeur triste, perte de la capacité à ressentir du plaisir et fatigue généralisée. S’y ajoutent d’autres troubles secondaires : troubles du sommeil, troubles de l’appétit, ralentissement psychomoteur, culpabilité, dévalorisation de soi, trouble de la concentration, pensée de mort récurrente. La dépression est à distinguer de la « déprime » ou de la « mélancolie », phénomènes plus passagers.

Zoom surLa dépression chez l’enfant et l’adolescent

La dépression n’est pas une maladie qui ne concerne que les adultes. La récente épidémie de Covid-19 et les confinements successifs qu’elle a engendrés ont rendu centrale la problématique de la santé mentale chez les jeunes.

La dépression chez l’enfant peut revêtir une symptomatologie plus spécifique. D’autres symptômes peuvent apparaître comme des problèmes scolaires, une dévalorisation, un isolement, une agitation, une irritabilité, une tristesse ou encore des sautes d’humeurs… Chez l’adolescent, il faut noter la possibilité de comportements à risque, de conduites dangereuses comme la prise de drogue, l’abus d’alcool, les actes délinquants, des troubles somatiques (maux de tête ou de ventre, fatigue…) ou encore des troubles du comportement alimentaire.

Devant de tels signes, il faut rapidement prendre contact avec un médecin qui sera à même de conduire un diagnostic précis.

Quelles sont les causes de la dépression ?

Les causes permettent de classer la dépression en deux principales catégories :

  • La dépression « réactionnelle » ou « psychogène », qui peut survenir dans différentes situations. Elle peut faire suite à un évènement difficile (tel que le décès d’un proche ou la perte d’un emploi) ou à un changement brutal de la vie nécessitant une adaptation importante (un accident entrainant un handicap par exemple). Un trouble hormonal (dérèglement de la thyroïde, suite d’accouchement…) ou une maladie (pathologie neurologique, cancers…) peuvent également servir de déclencheur. Elle est facilement réversible et de bon pronostic.
  • La dépression « endogène » : cette catégorie de dépression n’aurait pas d’élément déclencheur déterminé. A noter qu’une dimension individuelle d’origine génétique à la dépression a été identifiée, elle s’exprimera ou non en fonction de facteurs environnementaux.

Enfin, lorsque des symptômes dépressifs courent dans le temps (sur plusieurs années) ou récidivent, on parle de dépression « chronique ».

Zoom surNe pas négliger la dépression post-partum

Les dépressions chez la femme après l’accouchement sont fréquentes. Elles doivent absolument être dissociées du « Baby-blues », des troubles très transitoires qui disparaissent complètement 2 semaines après la naissance. La dépression post-partum se traduit par plusieurs symptômes, comme des problèmes pour s’occuper de son enfant, une forte anxiété, une tristesse, des insomnies, une grande culpabilité… Elle doit être dépistée et prise en charge rapidement car, outre un risque pour la maman, elle constitue aussi une entrave au bon développement du nourrisson.

Quelle est la prise en charge des dépressions ?

Lorsque le diagnostic de dépression est posé par un professionnel, plusieurs solutions sont possibles.

Dans le cas d’une dépression légère ou modérée, une psychothérapie seule peut-être efficace. Cette dernière vise principalement à freiner l’évolution de la maladie et à prévenir les récidives. Les thérapies actuelles qui ont prouvé leur efficacité sont dites « cognitivo-comportementales », elles sont basées sur des exercices conseillés par le praticien à pratiquer quotidiennement. Elles visent à adopter de nouveaux comportements au détriment des pensées négatives. A noter que l’approche basée sur la psychothérapie est grandement privilégiée chez l’enfant et l’adolescent, pour lesquels le recours aux médicaments est surtout destiné aux cas les plus graves.

En complément de ce suivi, un traitement médicamenteux peut être proposé. Ces médicaments, quoique relativement efficaces, ne sont pas dénués d’effets secondaires qui diffèrent selon leur mode d’action (par exemple : effet sédatif, prise de poids, constipation…). Le traitement met souvent plusieurs semaines avant d’agir ; son arrêt doit être progressif et accompagné par le praticien qui l’a instauré.

Dans les cas de dépressions sévères, la stimulation cérébrale peut être proposée en milieu hospitalier. Ainsi, lors de l’électroconvulsivothérapie, des électrodes placées de part et d’autre du crâne permettent le passage d’un courant électrique générant une sorte de « crise d’épilepsie » transitoire, se stoppant au bout de 30 secondes. Elle se déroule sous anesthésie générale. Cette technique, ancienne et maîtrisée, donne des résultats intéressants, notamment chez les personnes dont la dépression résiste aux traitements.

Une autre technique est de plus en plus évaluée : la stimulation magnétique transcrânienne. Ici, la stimulation de la zone cérébrale impliquée dans la dépression se fait à l’aide d’un champ magnétique. Cette approche, outre l’amélioration des symptômes dépressifs, pourrait également servir à renforcer l’action de certains médicaments. Pour le moment, son remboursement n’a pas été validé par la Haute Autorité de Santé, mais de nouvelles évaluations pourraient être mises en œuvre.

Enfin, dans le cadre de dépressions dites « saisonnières », liées au manque de lumière extérieure, la luminothérapie a démontré son efficacité. Elle consiste en l’exposition à une lumière de forte intensité plusieurs heures par jour afin d’augmenter artificiellement les périodes d’ensoleillement.

Zoom surLa question de la dépression chez le sujet âgé

Malheureusement, la dépression est aussi une maladie qui peut toucher la personne âgée, particulièrement assujettie à la développer à la suite de la perte d’autonomie, à la solitude… La tristesse et la fatigue chez la personne âgée ne doivent pas être considérées comme normales. La dépression est une pathologie à part entière, qu’il convient de prendre en charge.

Il existe une démarche diagnostique spécifique à conduire devant certains symptômes comme la fatigue, les douleurs, la perte de poids, la surconsommation de médicaments ou d’alcool… qui peuvent révéler une dépression. Là encore, devant toute suspicion de dépression, il convient de prendre contact avec son praticien.

Quelles sont les pistes de recherche ?

Identification de marqueurs diagnostiques, d’efficacité, de traitement ou de rechute, mise au point de nouveaux médicaments et de techniques de stimulation cérébrale innovantes… De nombreuses voies de recherche sont explorées dans la lutte contre la dépression.

Des études sont menées sur les facteurs génétiques qui pourraient augmenter le risque de développer la maladie. Les découvrir aurait un intérêt aussi bien préventif que dans le cadre de l’élaboration de nouveaux traitements.

Les chercheurs s’intéressent également de près aux mécanismes cérébraux impliqués dans la dépression : un préalable indispensable à la mise au point de nouvelles thérapies. Outre la recherche de dysfonctionnements cérébraux éventuels et des mécanismes moléculaires associés, des pistes originales sont suivies. Ainsi, l’inflammation pourrait jouer un rôle dans l’apparition de la pathologie. La lutte contre cette inflammation représente une des pistes explorées pour lutter contre la maladie. Une des pistes également suivie est celle du microbiote intestinal, dont les perturbations pourraient ainsi intervenir dans la genèse des maladies psychiatriques.

Bien sûr, des pistes thérapeutiques sont également en cours d’investigation via la mise au point de nouvelles molécules ou des modes innovants de prise en charge destinés aux formes résistantes de la pathologie.

La recherche avance donc à grands pas pour une meilleure prise en charge de la dépression.

Sophie Layé, directrice de recherche, étudie les liens entre alimentation et dépression

Le point de vue de l'expertRencontre de Sophie Layé dans le Laboratoire Nutrition et Neurobiologie intégrée de Bordeaux

La Fondation pour la Recherche Médicale est allée à la rencontre de Sophie Layé dans le Laboratoire Nutrition et Neurobiologie intégrée de Bordeaux. Les chercheurs s'intéressent aux effets de molécules oméga-3 présentes dans lalimentation, sur la dépression. Leurs résultats pourraient ouvrir des pistes de recherche intéressantes pour la prévention et la prise en charge de la maladie.

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