Article réalisé avec l’aide de Pierre Leboucher, ingénieur de Recherche CNRS et Directeur du développement de « Prisme », plateforme d’exploration fonctionnelle du comportement humain à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière à Paris.
La réalité virtuelle regroupe un ensemble de technologies permettant
d’immerger un utilisateur dans un monde numérique, où tout est calculé
par un ordinateur : par exemple un jeu vidéo, la visite d’un musée…
L’outil le plus fréquemment utilisé en réalité virtuelle est un casque
couvrant l’ensemble du champ visuel et équipé de capteurs pour mesurer
les mouvements de la tête. L’utilisateur peut ainsi évoluer dans un
univers virtuel en déplaçant son regard de haut en bas, de droite à
gauche et d’avant en arrière. On peut associer à ce casque des écouteurs
ou des objets connectés pour augmenter le niveau d’immersion.
Outre
son aspect ludique, la réalité virtuelle est aujourd’hui utilisée pour
l’entraînement des sportifs de haut niveau ou des pilotes d’avion. Elle
est aussi un outil intéressant pour les soignants, notamment dans le
cadre des thérapies cognitives et comportementales (TCC, des thérapies
brèves qui visent à remplacer les idées négatives et les comportements
inadaptés par des pensées positives et des réactions en adéquation avec
la réalité).
Exposer progressivement un patient à la situation qui le stresse est une
technique utilisée par les psychiatres depuis longtemps. Mais, selon la
phobie considérée, cela peut être très compliqué et/ou coûteux à mettre
en œuvre ! D’où l’intérêt de la réalité virtuelle : elle permet de
placer l’utilisateur dans une situation fictive qui peut être stoppée à
tout moment et dans laquelle le thérapeute contrôle l’ensemble des
paramètres afin de gérer le niveau de stress du malade.
En France,
plusieurs services hospitaliers évaluent actuellement cette technique
dans la prise en charge de la phobie de l’avion, des araignées ou de la
foule, par exemple. Grâce au casque d’immersion, le patient est placé
dans la situation qui l’effraie. Le médecin peut à tout moment
l’accompagner en lui parlant : il l’aide à gérer son stress, à
objectiver son ressenti. Une séance après l’autre, le palier de
difficulté peut être augmenté. Mais la réalité virtuelle n’est pas
suffisante pour traiter une phobie : d’autres outils de TCC doivent être
mis en œuvre simultanément, tels que la relaxation ou des techniques de
gestion du stress.
Plusieurs équipes de recherche travaillent à la
mise au point d’univers virtuels et de scénarios associés pour traiter
d’autres phobies. Grâce à la démocratisation des casques de réalité
virtuelle, les psychiatres libéraux pourront s’équiper à leur tour et
proposer à leurs patients des approches validées scientifiquement.
Comme pour les phobies, la réalité virtuelle est un outil qui peut être très utile pour prendre en charge les personnes atteintes de stress post-traumatique. Elle permet en effet de recréer la situation traumatisante, accident de voiture, catastrophe naturelle, attentat… et d’y placer le patient tout en l’accompagnant par des techniques de relaxation et d’objectivation du stress. En France, plusieurs études sont en cours pour traiter des soldats de retour de mission ou bien des personnes âgées qui n’osent entreprendre une rééducation après une chute invalidante. L’objectif est de « retravailler » le souvenir pour le délester de sa charge émotionnelle.
Plusieurs centres hospitaliers, à Lyon et au Mans notamment, testent l’intérêt de la réalité virtuelle pour atténuer la douleur des patients pendant certains soins, comme une ponction lombaire. Concrètement, les patients s’immergent dans une situation très agréable grâce au casque : plongée sous-marine, balade champêtre… Pendant ce temps, les soignants font leur travail en utilisant moins de produits anesthésiants. Objectifs : diminuer les effets secondaires, améliorer le vécu des patients et, potentiellement, les coûts des interventions. Des études sont menées pour évaluer l’intérêt de certains scénarios de réalité virtuelle pour soulager sans risque les douleurs chroniques ou pendant un accouchement.
Une équipe du laboratoire Neurosciences Paris-Seine travaille sur un
scénario de réalité virtuelle qui permettrait de diagnostiquer la
maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui, ce diagnostic repose sur des tests
cliniques et biologiques parfois lourds à mettre en œuvre. Grâce à la
réalité virtuelle, les patients ont placés dans un labyrinthe comportant
des indices visuels à mémoriser pour pouvoir progresser. Les chercheurs
espèrent que l’analyse des performances spatiotemporelles des patients
permettra de poser un diagnostic fiable, de quantifier l’évolution de la
maladie et de proposer un outil thérapeutique pour la ralentir.
Par
ailleurs, en Europe et en Israël, plusieurs équipes évaluent l’intérêt
de la réalité virtuelle couplée à un tapis de marche pour améliorer
l’équilibre et la motricité de personnes atteintes par la maladie de
Parkinson. Ce dispositif permet en effet de varier les situations
motrices dans un environnement qui demeure sécurisé.