L’hepcidine, nouvelle cible potentielle dans le psoriasis
07 octobre 2024
Notre parrain Thierry Lhermitte est allé à la rencontre de Mathias Pessiglione, chercheur à l'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière à Paris. Ses recherches en neurosciences, soutenues notamment par la FRM, explorent entre autres les mécanismes à l'œuvre dans nos prises de décisions ou encore dans le trouble de la motivation, symptôme commun à plusieurs pathologies psychiatriques (la dépression, la bipolarité, le burn-out) et neurologiques (Parkinson, Alzheimer).
(Ré)écoutez la chronique de Thierry Lhermitte consacrée à cette rencontre, diffusée le lundi 28 mars à 10h05 dans « Grand Bien Vous Fasse » sur France Inter, dans le cadre de la seconde édition de la Semaine de la Recherche en Santé Mentale organisée par la FRM.
L'équipe de Mathias Pessiglione étudie les mécanismes de la motivation. Et pour cela, elle s'appuie sur un tas de disciplines différentes. Mathias Pessiglione est spécialisé dans les neurosciences et il est également psychologue clinicien. Mais son équipe est également composée de physiciens, de mathématiciens-informaticiens, de médecins psychiatres, de neurologues ou d'économistes.
Quel est le but de ces chercheurs ?
C'est de comprendre comment on prend nos décisions : qu'est-ce qui nous motive ou au contraire freine notre motivation ? Et, surtout, quels sont les circuits impliqués dans le cerveau ? Tout cela, au bout du compte, pour améliorer la prise en charge des troubles de la motivation.
C'est en effet un problème de santé publique car le trouble de la motivation (que l'on appelle aussi apathie) se retrouve dans de très nombreuses maladies : dans la dépression évidemment, mais aussi dans la plupart des maladies neurologiques et psychiatriques. C'est le cas dans la maladie de Parkinson, mais aussi dans les troubles bipolaires.
Je vous présente d'abord le principe de leur approche et après on verra comment ça s'applique à cette maladie.
Comment fait-on pour étudier scientifiquement la motivation ?
L'équipe crée des modèles mathématiques pour reproduire les paramètres qui influencent nos choix. Je ne vous cache pas que c'est assez compliqué ! Tout part de la théorie de la décision, qui dit que la valeur qu'on attribue à un objectif, c'est le bénéfice qu'on va en retirer moins le coût nécessaire pour y parvenir. Cela détermine en fait notre motivation à atteindre cet objectif, c'est assez intuitif.
À chacune de nos décisions, le cerveau fait cette opération : il calcule le prix maximum qu'on est prêt à payer pour atteindre notre but. Il prend en compte le poids de la récompense, l'effort à fournir, le délai pour y parvenir, etc.
Et comment on fait pour évaluer la motivation de quelqu'un, d'un patient ?
Classiquement on utilise des échelles cliniques : c'est un questionnaire auquel le sujet doit répondre, du type : êtes-vous motivés ? Est-ce que vous faites beaucoup d'efforts pour faire les choses ? Est-ce qu'il y a des choses qui vous intéressent ? Avec un score final qui définit le niveau de motivation.
Le problème, c'est que ces échelles cliniques ne marchent pas très bien. Elles dépendent de l'état mental du sujet, de sa capacité d'introspection, qui d'ailleurs est souvent altérée dans ces maladies. Et en plus elles ne permettent pas de distinguer les circuits cérébraux en cause : si c'est la récompense, l'effort qui est en cause, etc.
C'est donc cela que Mathias Pessiglione cherche à rationnaliser ?
Exactement. L'idée, c'est de mettre au point des tests de comportement pour comprendre les mécanismes de la décision. Ces tests sont très variés, ça peut être par exemple des questions du type « Préférez-vous avoir 10 maintenant ou 11 demain ? » Ou bien le sujet doit serrer une pince pour obtenir une récompense et il doit augmenter sa force pour obtenir une récompense plus importante.
En parallèle, un modèle mathématique est mis au point pour reproduire précisément le comportement de chaque sujet. Pour faire le lien avec ce qui se passe dans le cerveau, l'équipe a placé les sujets dans un tube d'IRM pour voir directement quelles sont les zones cérébrales qui s'activent pendant qu'il fait ses choix.
Conclusion ?
Et bien c'est génial ! Les chercheurs sont parvenus à expliquer ce qui se passe dans notre cerveau quand on a un choix à faire : la valeur brute de l'objectif est estimée dans une région du cerveau et le coût de l'effort à produire est évalué dans une autre région. Une troisième région calcule la valeur nette du but à atteindre, c'est-à-dire la valeur brute moins le coût de l'effort. En fonction de cette valeur nette, un message est envoyé à la région motrice qui pilote alors les mouvements avec l'énergie nécessaire pour atteindre le but. En retour, les informations en provenance des muscles remontent jusqu'aux régions qui calculent le coût de l'effort et la boucle recommence, corrigée avec ces nouvelles informations.
Et qu'est-ce qui permet de calculer les valeurs de l'objectif, le coût de l'effort ?
Là, ce sont des molécules chimiques, les neuromédiateurs, qui entrent en jeu. Des molécules qui permettent aux neurones de communiquer, comme la dopamine ou la sérotonine.
L'équipe de Mathias Pessiglione a montré que la dopamine intervient dans la valeur attribuée au but. La sérotonine, elle, intervient plutôt sur l'évaluation de l'effort nécessaire. L'intérêt aussi des résultats de l'équipe, c'est que le modèle mathématique mis au point reproduit très bien le comportement du sujet. Et, surtout, il permet d'identifier dans le cerveau ce qui fonctionne mal dans le circuit décisionnel.
Du coup on peut faire le lien avec les traitements ?
Oui car quand on sait ce qui dysfonctionne, on peut traiter de manière plus ciblée. On a des traitements qui agissent sur la production de ces neurotransmetteurs. Dans la dépression par exemple on renforce l'efficacité de la sérotonine, qui va diminuer la sensation d'effort à fournir. On va pouvoir affiner les traitements en comprenant mieux certaines anomalies chez les patients.
Quel lien avec les troubles bipolaires ?
D'abord, il faut savoir que c'est une maladie psychiatrique assez fréquente, qui touche de 1 à 2,5 % de la population. Elle se manifeste par des troubles de l'humeur, avec une alternance entre des périodes maniaques, d'exaltation, et des épisodes dépressifs, qui peuvent durer plusieurs mois. Il y a des intervalles plus ou moins long où l'humeur revient à la normale.
Le problème, c'est la prédiction de l'arrivée des troubles, que le malade ne ressent pas forcément.
Avec, on peut l'imaginer, un traitement assez difficile. En quoi les travaux de Mathias Pessiglione peuvent aider ?
L'équipe a mis au point un test basé sur des choix, comme précédemment. Le modèle mathématique a été adapté pour prendre en compte le niveau de l'humeur du sujet. Car, on le sait bien, l'humeur joue sur nos choix ! Les résultats préliminaires sont très encourageants : le modèle détecterait des instabilités de l'humeur qui prédisent un basculement vers un épisode maniaque ou dépressif. Des essais vont commencer et ils pourraient mener à une meilleure prise en charge des malades.
Du 28 mars au 1er avril, la FRM a organisé la 2e édition de la Semaine de la Recherche en Santé Mentale.
Au programme notamment, deux échanges en direct sur Instagram : des pistes concrètes pour surmonter l'anxiété avec le médecin généraliste et romancier Baptiste Beaulieu en duo avec le psychiatre David Gourion, alias Docteur Feel Good, et un focus sur le rôle majeur de l'activité physique pour prendre soin de son psychisme avec le kinésithérapeute Grégoire Gibault, alias Major Mouvement, et Martine Duclos, médecin et chercheuse physiologie.
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