Cancer du côlon non métastatique : un score pronostic pour mieux le traiter
05 septembre 2025


Un enjeu important, dans le cancer du côlon non métastatique, est d’établir un pronostic précis pour prendre en charge les patients au plus juste : limiter les traitements pour ceux dont le risque de récidive est peu élevé ou les renforcer en cas de risque élevé. Un nouveau score pronostique, développé au Centre de recherche des Cordeliers, à Paris, semble prometteur pour affiner cette évaluation. Ces travaux ont fait l’objet de la thèse de sciences de Claire Gallois qui évoque ici ses recherches et leurs perspectives.
Claire Gallois est médecin gastroentérologue à l'Hôpital Européen Georges Pompidou et maîtresse de conférences des Université-Praticienne hospitalière à Paris.
Pendant mon internat d'hépato-gastroentérologie à Paris, j'ai effectué un master 2 sous la direction du Pr Pierre Laurent-Puig, au Centre de recherche des Cordeliers. La question était d’essayer de mieux évaluer le risque de récidive des patients atteints de cancer du côlon de stade IIIa de manière à mieux les prendre en charge. En effet, le pronostic dans cette maladie est établi aujourd’hui sur l’anatomopathologie, sans biomarqueur pronostique. Or on estime que 60 % les patients sont guéris par une chirurgie seule et ne tireraient donc aucun bénéfice de la chimiothérapie adjuvante proposée systématiquement après la chirurgie … Mais encore faut-il identifier ces patients pour pouvoir leur éviter la toxicité d’un traitement inutile.
Mon étude, menée sur la cohorte PETAAC-8 (un essai thérapeutique de phase III entre 2005 et 2008 incluant presque 2 000 patients atteints de cancer du côlon de stade III 1), a permis de mettre en évidence la valeur pronostique péjorative du phénotype méthylateur 2, indépendamment des autres facteurs pronostiques habituellement utilisés. C’était encourageant.
Par la suite, après mes 3 années de clinicat dans le service d'hépato-gastro-entérologie et oncologie digestive à l’HEGP, j’ai décidé de me tourner vers une carrière hospitalo-universitaire et de faire une thèse de sciences dans le même laboratoire. Le financement de la FRM m’a permis d’arrêter la clinique durant 2 ans pour m’y consacrer. C’est ainsi que nous avons établi un score pronostic basé sur de nouveaux critères.
À partir de la même cohorte de patients, nous avons réalisé une étude transcriptomique 3 du microenvironnement tumoral et du cycle cellulaire. L’analyse bio-informatique de ces données a révélé 4 marqueurs intéressants capables d’affiner le pronostic d’évolution de la tumeur. Nous avons ainsi défini un score pronostique de 0 à 4 (du risque de récidive le plus faible au plus élevé) correspondant aux niveaux de ces marqueurs chez le patient. Pour résumer, le risque de récidive le plus faible correspond à des tumeurs infiltrées par un grand nombre de lymphocytes T 4, peu de macrophages M2 5, qui présentent peu de stroma 6 et ont des cellules qui se multiplient beaucoup. Et notre score semble robuste car nous avons aussi montré, grâce à une autre cohorte, qu’il permet de d‘affiner encore le pronostic de récidive établi avec l’ADN tumoral circulant ( la « biopsie liquide » ).
Pour valider ce score et pouvoir peut-être l’utiliser un jour en pratique clinique pour nous aider dans nos choix de chimiothérapie en fonction du niveau de risque, un essai thérapeutique guidé par ce score doit tout d’abord prouver son utilité. Il pourrait également être utilisé comme facteur de stratification dans un essai thérapeutique pour rendre les patients comparables sur le niveau de risque entre deux traitements adjuvants. Il comporte l’avantage de pouvoir être fait sur un tissu fixé en paraffine, avec un coût probablement abordable dans le futur mais nécessite des analyses bio-informatiques non encore standardisés, rendant aujourd’hui compliquée son utilisation en pratique clinique courante.
Pour aller plus loin, l’équipe du laboratoire travaille sur l’analyse transcriptomique spatiale de ces tumeurs afin de mieux comprendre l’organisation du microenvironnement tumoral autour des cellules tumorales et distinguer différents écosystèmes ayant un impact pronostique. Je poursuis de mon côté l’analyse du transcriptome, cette fois-ci dans le cancer du côlon métastatique MSI 7, afin de prédire l’efficacité de l’immunothérapie.
C’est passionnant d’être au cœur de la recherche, pour contribuer aux avancées des traitements ! Sans compter que l’activité au laboratoire permet aussi de prendre un peu de recul sur le quotidien de la clinique, qui peut parfois être difficile en cancérologie.
Source : Claire Gallois et al. Prognostic Models From Transcriptomic Signatures of the Tumor Microenvironment and Cell Cycle in Stage III Colon Cancer From PETACC-8 and IDEA-France Trials. JCO 2025 : 43, 1765-76. Pour le consulter : HAL FRM
Légende : Critères utilisés pour établir le score pronostique dans le cancer du côlon de stade III (score IPS). © Claire Gallois.
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