Mis à jour le 23 octobre 2018

Des neuroprothèses pour restaurer la mobilité

  • Aux États-Unis, plusieurs équipes de recherche mettent au point des prothèses couplées à des implants cérébraux afin de permettre à des tétraplégiques de retrouver une certaine mobilité de leur bras paralysé.
  • De premiers succès ont ainsi été récemment obtenus au cours d’études réalisées chez des patients.
  • Comment ces neuroprothèses fonctionnent-elles ? Quelles sont les technologies développées ? Le point au travers de cet article.

Article réalisé avec l’aide de David Guiraud, spécialiste des neuroprothèses, Directeur de recherche à l’Inria de Montpellier.

Paralysies liées à une lésion de la moelle épinière

Nichée au cœur de la colonne vertébrale, la moelle épinière renferme et protège les fibres nerveuses qui permettent de transmettre les informations motrices du cerveau vers les muscles et, en sens inverse, les informations sensorielles de l’ensemble de l’organisme jusqu’au cerveau. Lorsqu’il y a une lésion importante de la moelle épinière, ces informations ne peuvent plus circuler. Pour ce qui est de la mobilité, plus la lésion est haute sur la colonne vertébrale, et plus les conséquences sont importantes sur la mobilité du corps. Ainsi, lorsqu’elle survient au niveau ou au-dessus de la première vertèbre thoracique, cela peut provoquer une tétraplégie, c’est-à-dire une paralysie des quatre membres.

Dérivation neuronale

Ian Burkhart est un jeune Américain tétraplégique depuis 2010 qui a presque totalement perdu le contrôle de ses mains et de ses avant-bras après s’être brisé le cou en plongeant. Pour restaurer la mobilité de l’un de ses bras, les équipes d’Ali Rezai, de l’université d’État de l’Ohio, et celle de Chad Bouton et Nicholas Annetta, de l’Institut de technologie Battelle Memorial, ont mis au point un système dit de « dérivation neuronale ».

Concrètement, ils ont implanté 96 électrodes de 1,5 millimètre de diamètre dans le cerveau du garçon, plus précisément à la surface du cortex moteur, la zone cérébrale en charge du contrôle des mouvements. Ces électrodes sont reliées à une sorte de manchon apposé sur l’avant-bras du patient. Ce manchon renferme 130 électrodes capables de stimuler les muscles simplement à travers la peau. Entre l’implant cérébral et le stimulateur, un système électronique permet de décoder les signaux enregistrés dans le cerveau et de les recoder en d’autres signaux qui vont commander les muscles de l’avant-bras. Ainsi, les contractions musculaires sont directement ordonnées par le cortex moteur, sans aucun passage par la moelle épinière, d’où le nom de dérivation neuronale.

Neuroprothèse de la pensée au mouvement

Une amélioration de la qualité de vie

Pendant 15 mois, Ian Burkhart s’est entraîné à utiliser ce dispositif complexe afin de contrôler les mouvements de sa main et de son poignet droits. Un entraînement qui a aussi permis de renforcer progressivement des muscles qu’il n’utilisait plus depuis 4 ans. Résultats : il est désormais capable de se servir un verre seul ! Un véritable progrès pour le jeune Américain : « aujourd’hui, je bouge de nouveau mes doigts, j’ai réussi à prendre une bouteille, à verser son contenu dans un récipient, et même à saisir un bâtonnet pour remuer. Le tout sans bras robotisé, avec mes vraies mains. Je n’aurais jamais cru que ce serait possible. C’est un formidable début vers l’autonomie. Pour moi et pour d’autres », témoignait-il à l’issue de cette étude.

Un contrôle encore plus précis

Un contrôle encore plus précis

Plus récemment, une équipe de l’université Case Western de Cleveland est allée plus loin en restaurant la mobilité du bras droit de Bill Kochevar, un Américain de 56 ans atteint d’une paralysie totale après une blessure de la 4e vertèbre cervicale. Les chercheurs ont implanté cette fois 192 électrodes à la surface du cortex moteur du patient, afin que le contrôle des gestes soit encore plus précis. Pour lui permettre d’effectuer aussi des rotations du coude et même de soulever le bras, ils l’ont équipé d’un support mobile lui soutenant l’avant-bras, lui aussi sous le contrôle des électrodes cérébrales. Après un long entraînement, Bill Kochevar a réussi, en 2017, à utiliser ce système de neuroprothèse pour boire une gorgée de café, se gratter le nez et même manger de la purée !

Des systèmes expérimentaux

Jusqu’à présent, la dérivation neuronale avait été utilisée pour permettre à des tétraplégiques de commander par la pensée des bras robotisés. Mais ces deux exemples récents sont la preuve que ce système peut aussi restaurer les mouvements du propre bras des patients. Pour le moment, il s’agit de systèmes expérimentaux qui ne peuvent être utilisés qu’en laboratoire. Les mouvements sont lents et approximatifs, et les dispositifs beaucoup trop encombrants : un ordinateur est indispensable pour traiter les informations entre le cerveau et les muscles, et il n’existe pas encore de système implantable au niveau des muscles.

Par ailleurs, ces systèmes présentent une limite : la nécessité pour le patient de regarder son bras en permanence pour pouvoir en contrôler les mouvements. En effet, la blessure de la moelle épinière a aussi coupé tous les retours sensitifs qui remontent les informations (toucher, positions dans l’espace, etc.) de l’organisme jusqu’au cerveau*. Il n’en reste pas moins que pour un patient tétraplégique, « être capable de bouger juste un petit peu est impressionnant », a déclaré Bill Kochevar.

Source : Nature, mai 2016 & The Lancet, mai 2017

*En 2016, une équipe de l’Université Case Western avait réussi à mettre au point une prothèse « sensible » permettant aux tétraplégiques de retrouver une certaine sensibilité et donc d’adapter la force de leurs gestes sans forcément regarder leur bras. Cette technologie a été présentée dans Recherche & Santé no 145 (1er trimestre 2016).

Article adapté de Recherche et Santé n°156

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