Schizophrénie et troubles bipolaires : découvrir des variations génétiques spécifiques pour mieux les prendre en charge


Les troubles bipolaires, autrefois appelés « maladie maniaco-dépressive », touchent près de 2 % de la population. Ils se caractérisent par des variations extrêmes de l’humeur, alternant phases dépressives et périodes d’exaltation. Longtemps mal diagnostiquée, cette pathologie d’ordre psychiatrique nécessite une prise en charge globale et personnalisée, d’autant que la recherche progresse vers de nouveaux traitements.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 40 millions de personnes seraient atteintes de troubles bipolaires à travers le monde. D’après la Haute autorité de santé (HAS), cette maladie psychiatrique toucherait 1 à 2,5 % de la population, soit entre 650 000 et 1 600 000 personnes en France. Toujours selon la HAS, les troubles bipolaires apparaîtraient entre 15 et 20 ans. Le diagnostic est souvent tardif, et prendrait environ 10 ans.
Les troubles bipolaires, anciennement appelés « maladie maniaco-dépressive », sont des troubles mentaux. Ils se manifestent généralement par l’alternance d’épisodes dépressifs et de périodes d’exaltation, qui sont qualifiés de « phases maniaques ».
Dans les troubles bipolaires, les phases dépressives s’expriment par de la tristesse, une perte de plaisir, une fatigue, des troubles du sommeil ou de l’appétit, et une perte d’estime de soi. A l’inverse, les périodes d’exaltation se caractérisent par une euphorie, une désinhibition, une hyperactivité, un sentiment exagéré de puissance et des dépenses extravagantes.
Dans certains cas, les phases maniaques peuvent évoluer vers des formes sévères, accompagnées d’idées délirantes, d’une irritabilité importante et de comportements agressifs. Il existe aussi des formes hypomaniaques de la maladie, où les symptômes sont similaires, mais d’intensité moindre, ce qui les rend difficiles à déceler.
Les troubles bipolaires peuvent prendre diverses formes suivant les symptômes rencontrés, leur intensité et l’âge de leur survenue. Ainsi, les adolescents n’ont pas forcément des symptômes analogues à ceux des adultes : les décrochages scolaires, les conduites à risque et l’excitabilité font par exemple partie des éléments à surveiller. Chez les enfants, les troubles de l’attention, l’instabilité émotionnelle et les colères fréquentes peuvent également être révélateurs, bien que le diagnostic soit complexe à cet âge. Les troubles bipolaires ont d’autres effets très délétères sur la vie du patient. Chez l’adulte, ils peuvent induire une désinsertion professionnelle.
Les troubles bipolaires augmentent le risque de suicide. Selon la HAS, un patient sur deux fera au moins une tentative de suicide dans sa vie et au moins un patient sur dix non traité décédera par suicide. Cela montre la sévérité de la pathologie et la nécessité de la diagnostiquer rapidement pour la prendre en charge efficacement.
Les troubles bipolaires ont une origine multifactorielle, mêlant facteurs génétiques, qui prédisposent à la maladie, et facteurs environnementaux.
Pour ce qui est des facteurs génétiques, des gènes ont été identifiés comme majorant le risque de développer la pathologie. Et l’hérédité compte pour beaucoup : la probabilité d’apparition d’un trouble bipolaire est de 10 à 15 % si un des deux parents est atteint par la maladie, et jusqu’à 30 % si les deux le sont.
Des facteurs de risque environnementaux ont aussi été mis en évidence, comme le stress, l’abus d’alcool et la consommation de stupéfiants. Des événements de vie difficiles, tels que des traumatismes, des violences ou une rupture affective, peuvent également jouer un rôle dans le déclenchement ou l’aggravation des épisodes maniaques.
Par ailleurs, les troubles du rythme circadien, ou cycle « veille-sommeil », sont très souvent associés à la maladie, et peuvent précipiter ou majorer les phases maniaques ou dépressives. Il est donc essentiel d’assurer un rythme de vie stable, avec un sommeil suffisant et régulier, pour prévenir la pathologie et les rechutes.
Le diagnostic des troubles bipolaires peut être très long. Il est effectué par un psychiatre dans le cadre d’un bilan clinique. Le médecin peut entreprendre des examens avant d’instaurer un traitement, afin d’éviter des contre-indications ou de dépister une anomalie de fonctionnement de l’organisme. Il peut réaliser une prise de sang, un électroencéphalogramme pour mesurer l’activité cérébrale, ou un électrocardiogramme pour mesurer la conduction du signal électrique cardiaque.
La difficulté principale du diagnostic des troubles bipolaires réside dans le repérage des épisodes maniaques ou hypomaniaques, qui peuvent passer inaperçus ou être confondus avec un comportement simplement expansif ou enthousiaste. La maladie est souvent diagnostiquée tardivement, parfois après plusieurs années d’évolution et à la suite de traitements inefficaces pour une dépression initialement mal identifiée.
Des échelles d’évaluation comme l’auto-questionnaire MDQ, pour « mood disorder questionnaire », ou les entretiens structurés permettent au médecin d’affiner le diagnostic. L’objectif du bilan est aussi d’écarter d’autres affections psychiatriques tels que les troubles de la personnalité, la dépression unipolaire ou la schizophrénie.
La prise en charge des troubles bipolaires passe d’abord par une bonne hygiène de vie. Le patient doit impérativement retrouver un rythme de sommeil correct, apaiser son stress et stopper sa consommation éventuelle d’alcool et de stupéfiants.
Un traitement médicamenteux est également mis en place. Il s’agit en premier lieu de régulateurs de l’humeur. Les molécules les plus utilisées sont les sels de lithium. D’autres composés peuvent être prescrits, comme des antiépileptiques ou des antipsychotiques. Le praticien peut aussi avoir recours à des antidépresseurs pour lutter contre les épisodes dépressifs. Le choix du traitement varie selon le type de trouble bipolaire, la fréquence des phases maniaques et les antécédents du patient. Une surveillance régulière, notamment biologique pour le lithium, est indispensable pour assurer la sécurité et l’efficacité du traitement.
Un autre type de prise en charge peut être proposé au patient dans les formes sévères de troubles bipolaires, l’électro-convulsivothérapie. Cette technique consiste à placer des électrodes autour du crâne puis à faire passer un courant électrique sur une durée brève d’environ 30 secondes pour stimuler le cerveau. Cette méthode de traitement a déjà fait ses preuves. Elle est principalement indiquée lorsque les médicaments ne marchent pas ou sont mal tolérés, en particulier lors de phases dépressives sévères ou de manies aiguës résistantes.
Un suivi psychologique est également conseillé au patient atteint de troubles bipolaires pour l’accompagner durant son traitement. Des psychothérapies, en particulier les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), peuvent aider à mieux gérer les symptômes, à reconnaître les signes précoces de rechute et à améliorer l’observance thérapeutique. L’éducation thérapeutique du patient est fondamentale pour comprendre la maladie, éviter les facteurs déclenchants et renforcer les capacités d’adaptation au quotidien.
L’un des principaux problèmes posés par les troubles bipolaires réside dans leur diagnostic, qui peut parfois être très long. Pour cette raison, les chercheurs souhaitent identifier des marqueurs caractéristiques de la pathologie, afin de la dépister plus rapidement, de la distinguer des autres troubles de l’humeur et de favoriser une prise en charge adéquate. Des biomarqueurs sont ainsi recherchés pour offrir la possibilité de diagnostiquer la maladie à l’aide d’une analyse de sang ou d’une IRM cérébrale, ce qui constituerait une grande avancée.
En parallèle, le développement d’outils numériques, basés sur l’intelligence artificielle, ouvre de nouvelles perspectives pour affiner le diagnostic, prédire l’évolution de la pathologie et personnaliser la prise en charge. Ces travaux pourraient transformer la trajectoire de soin des malades, en permettant une intervention plus rapide et plus ciblée.
Autre objectif de la recherche : élucider les origines de la maladie. Plusieurs pistes sont suivies, comme la mise en évidence de facteurs de risque encore méconnus dans l’émergence des troubles bipolaires. Les scientifiques ont en outre montré l’implication conjointe de facteurs génétiques, immunitaires et environnementaux dans l’apparition et l’évolution de la pathologie. Les perturbations du sommeil et des rythmes circadiens semblent tenir une place centrale : un dérèglement de l’horloge biologique contribuerait en effet à la survenue ou à l’intensification des épisodes maniaques associés aux troubles bipolaires.
Le microbiote intestinal suscite aussi un intérêt croissant, certaines études suggérant qu’un déséquilibre de la flore intestinale influence les symptômes de la bipolarité. Enfin, les pistes dopaminergiques et immunoinflammatoires sont particulièrement explorées, en lien avec l’activité de neurotransmetteurs tels que la dopamine et avec la réponse immunitaire mise en place par l’organisme. Ces recherches ouvrent la voie à des thérapies innovantes, plus ciblées.
Le traitement des troubles bipolaires progresse vers une approche plus individualisée. Bien que le lithium reste un traitement de référence, il n’est pas efficace pour tous les patients. Des recherches sont donc menées pour mettre au point des tests compagnons, c’est-à-dire des outils capables de prédire la réponse à un traitement, afin d’adapter les prescriptions au profil biologique du malade. Ces travaux s’appuient sur des données recueillies dans des cohortes de patients suivis dans des centres spécialisés.
Par ailleurs, l’arsenal thérapeutique s’élargit grâce à l’introduction de nouvelles molécules, telles que des antiépileptiques et antipsychotiques de deuxième génération, qui peuvent être proposées en cas d’intolérance ou d’inefficacité des traitements classiques. Pour les formes résistantes de troubles bipolaires, de nouvelles techniques de neuromodulation, comme la stimulation cérébrale, sont en cours d’évaluation, car à la manière de l’électro-convulsivothérapie, elles pourraient offrir une alternative aux traitements médicamenteux.
Enfin, l’accompagnement psychothérapeutique connaît un fort développement, avec des approches structurées comme la psychoéducation, les thérapies interpersonnelles et les thérapies familiales. Des outils numériques sont aussi en plein essor, notamment dans la remédiation cognitive, pour aider les patients à retrouver une meilleure qualité de vie au quotidien.
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