Pr Philippe Ménasché,
chirurgien cardiaque à l'Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris)

Les médicaments

La cardiologie est l’une des disciplines médicales qui a connu le plus fort développement de nouveaux médicaments durant les dernières décennies. On estime que plusieurs centaines de millions de patients dans le monde prennent tous les jours des médicaments traitant une forme ou une autre de maladie cardiovasculaire (après un infarctus du myocarde par exemple) ou modifiant leurs facteurs de risque cardio-vasculaires (comme l’hypertension artérielle ou l’hypercholestérolémie). Cette panoplie de médicaments a permis des améliorations spectaculaires de la prise en charge et de la qualité de vie. Mais ces succès génèrent paradoxalement des interrogations sur l’avenir du développement pharmaceutique et la forme des futurs médicaments en cardiologie. Il est en effet très probable que le modèle de développement de médicaments en cardiologie va être amené à se modifier fortement.


Tout d’abord, le besoin de traitements cardio-vasculaires plus performants continue de s’accroitre. En dépit des avancées thérapeutiques majeures dont nous avons déjà fait état, l’ensemble des projections montrent que les maladies cardio-vasculaires vont rester la cause principale de mortalité et de morbidité dans le futur, et ceci en raison du vieillissement des populations, de l’augmentation galopante de la prévalence du diabète et de l’obésité. A l’échelle mondiale, l’augmentation du niveau de vie des pays émergents contribue à augmenter le risque et le nombre de patients souffrant de maladies cardio-vasculaires.  De plus, certaines pathologies cardiovasculaires restent actuellement sans solutions thérapeutiques. Il reste donc une place importante pour de nouveaux médicaments en cardiologie.


Il existe ensuite deux tendances fortes pour définir le profil des médicaments futurs en cardiologie : ces futurs traitements seront plus personnalisés et plus biologiques. Il est en effet très probable que le modèle basé sur la prescription systématique d’un même médicament chez tous les patients s’éteint progressivement au profit d’une prescription plus individualisée. L’avènement de la médecine dite de précision qui intègre continuellement les nouvelles descriptions des mécanismes des maladies permet de mieux identifier les profils de risque de chaque individu. Ainsi, la prescription médicamenteuse peut être plus ciblée et plus adaptée à la maladie de chaque patient. On dispose par exemple aujourd’hui de marqueurs biologiques ou génétiques permettant d’anticiper la réaction d’un patient à un médicament. L’utilisation de cette information en pratique clinique se heurte aujourd’hui à un souci qui est souvent lié à la rapidité de son transfert vers le médecin prescripteur. La numérisation de la santé va permettre de créer les prémices d’une prescription plus personnalisée.

Enfin, les médicaments en cardiologie proviennent pour l’essentiel du savoir chimique. Pourtant, les médicaments biologiques (c’est à dire provenant de cellules vivantes ou de savoirs non chimiques) sont considérés comme une réponse très prometteuse pour de nombreuses maladies dont les maladies cardiovasculaires. On estime ainsi qu’en 2022, plus de la moitié des médicaments du top 100 seront de nature biologique. Ces médicaments présentent souvent l’avantage d’être développés pour cibler un processus pathologique particulier. C’est par exemple le cas des anticorps monoclonaux qui viennent bloquer une cible donnée par reconnaissance très spécifique d’une zone appelée épitope. Ces procédés de développement sont devenus communs en cancérologie mais restent pour l’heure plus anecdotiques en cardiologie.


Les pistes pour le développement de nouveaux médicaments plus performants en cardiologie sont donc nombreuses. Mais il restera cependant à résoudre l’un des problèmes principaux et pourtant si basiques pour tous les patients : comment simplifier l’administration de tous ces médicaments et raccourcir une ordonnance souvent bien lourde avec de nombreux comprimés à absorber tous les jours ? On ne saurait non plus méconnaitre le problème des coûts; le prix élevé de certaines drogues s'explique en partie par le souci des industriels d'un retour sur les investissements consentis pour leur développement, qui s'étale souvent sur de nombreuses années et se chiffrent en dizaines de millions d'euros. Pour autant, la façon dont les systèmes de santé pourront permettre un accès égalitaire des patients à ces traitements onéreux reste un enjeu économico-politique majeur.

L'imagerie

Le cœur bat en permanence et le sang circule en continu dans les vaisseaux. Pour suivre ces mouvements, l’imagerie du cœur et des vaisseaux privilégie les systèmes d’enregistrement à cadence rapide Les maladies du cœur et des vaisseaux étant les plus fréquentes de toutes, les techniques d’imagerie les plus simples à mettre en œuvre sont les plus utilisées au quotidien. L’échographie est la méthode d’imagerie qui répond le mieux à ces deux exigences, c’est pourquoi elle est aujourd’hui, et restera dans le futur, la méthode d’imagerie de première intention pour le cœur et les vaisseaux.

L’échocardiographie, basée sur le principe du sonar, permet d’obtenir en routine des images du fœtus, des organes ou du cœur en mouvement, sans injection ou ponction, sans risque ou complication. Les développements physiques et informatiques  récents et à venir réservent cependant à cette technique des développements diagnostiques et thérapeutiques très prometteurs au-delà de l’image de l’organe ciblé : 1) La palpation virtuelle des tissus, basée sur la technique d’émission ultrarapide, pourra permettre de détecter les masses tumorales au sein des organes,  facilitant le diagnostic des cancers solides ou permettant de mesurer l’élasticité des tissus, et notamment celle du cœur; 2) La possibilité de focaliser les ondes en un point précis de l’image obtenue, utilisée de longue date pour détruire sans chirurgie les calculs rénaux, pourrait permettre d'"assouplir" des zones calcifiées; 3) En facilitant le passage des drogues au travers des parois des vaisseaux, rendues plus perméables grâce à la délivrance ciblée d’ultrasons permettant de les disloquer temporairement, ces techniques permettront d’optimiser la délivrance de certains médicaments dans le tissu cible; 4) Enfin, grâce à la reconnaissance automatique des contours, aux reconstructions en 3 dimensions et aux techniques holographiques, il sera possible au chirurgien de tester virtuellement son geste en préopératoire, ou à l’étudiant de tester ces capacités diagnostiques et chirurgicales, sans la présence du malade.

Toutefois, l’échographie ne voit pas tout ; pour de nombreuses pathologies on doit faire appel à des instruments d’imagerie plus précis, mais moins mobiles et plus coûteux. On voit ainsi se dégager deux tendances principales pour l’imagerie cardio-vasculaire du futur.

La première est l’imagerie à la portée de tous grâce aux nouveaux systèmes d’échographie ultrasonore conçus pour une utilisation grand public. Il est possible aujourd’hui d’acheter pour moins de 2 000 $ un appareil d’échographie personnel miniaturisé qui se branche sur un smartphone. Si, demain, tous les smartphones intègrent un échographe, on verra apparaitre de nouvelles pratiques dans lesquelles le patient deviendra, grâce au télédiagnostic avec l’aide d’un médecin référent, un acteur majeur de sa propre santé.

En prenant en compte les variations intrinsèques (poids, taille, âge, génétique…) ou environnementales (tabac, pollution…), on se dirigera vers la médecine "personnalisée", évoquée plus haut à propos des médicaments, adaptée à la physiologie cardiaque et au risque cardio-vasculaire de chacun.

La seconde tendance est l’intégration continuelle des résultats issus de la recherche pour une imagerie de plus en plus précise de la physiologie cardiaque et vasculaire. Cette médecine de précision avance simultanément dans plusieurs directions :

  1. La réduction des doses de rayonnement délivrées par les tomodensitomètres (« scanners ») à rayons X permet d’envisager un dépistage systématique du risque cardio-vasculaire, semblable à celui que l’on réalise aujourd’hui par mammographie pour le cancer du sein. Un tel dépistage permettrait de préconiser à temps des mesures de prévention et, lorsque cela est nécessaire, de démarrer plus tôt les traitements ;

  2. L’Imagerie cardiaque par Résonance Magnétique (IRM) peut, en un seul examen, visualiser le flux sanguin en quatre dimensions (les 3 dimensions de l’espace et le temps) dans tout l’arbre cardio-vasculaire. Aujourd’hui limitée à quelques équipes de recherche, cette technique particulièrement performante pour les pathologies du cœur et des gros vaisseaux entrera demain dans les hôpitaux ;

  3. Une autre technique d’imagerie lourde, l’émission de positons ou PET-scan, pourrait devenir la méthode de référence pour explorer les aspects métaboliques du fonctionnement du cœur et des vaisseaux ;

  4. Apparue récemment, l’imagerie hybride consiste à combiner deux systèmes d’imagerie différents dans un seul appareil : PET-scan plus IRM, PET-scan plus échographie, etc. Ces nouveaux instruments mixtes permettent d’observer les pathologies cardiovasculaires dans toute leur complexité, et par exemple de mieux caractériser les plaques d’athérome sur les artères et de mieux définir leur degré de dangerosité ;

  5. Enfin, actuellement au stade expérimental, l’intelligence artificielle sera intégrée systématiquement à l’imagerie cardio-vasculaire. Le nombre d’images qu’un radiologue examine au cours de son apprentissage est très élevé, mais bien plus faible que le nombre d’images que tous les radiologues du monde entier ont vues au cours de leur carrière. En fournissant à une machine toutes ces images et en y ajoutant des logiciels d’analyse automatique d’images capables d’extraire des informations invisibles pour l’œil humain, on peut lui « apprendre » à reconnaitre les signes caractéristiques d’une pathologie et ainsi créer un logiciel d’aide au diagnostic. L’imagerie cardio-vasculaire a toujours été une discipline dépendante de la technologie, il faut s’attendre à ce que le transfert des résultats de la recherche vers la pratique soit de plus en plus rapide. Peut-être que la plus grande inconnue réside dans la réponse à ces questions : que feront les radiologues de demain et qui seront-ils ? Une chose est certaine, la recherche fera nécessairement partie de leur formation.

La génétique
Les progrès technologiques fulgurants effectués dans le domaine de la génétique médicale au cours des 20 dernières années – séquençage du génome humain, description des variations génétiques innombrables, capacité d’explorer le génome et ses variations en quelques jours – et les progrès conceptuels associés – variabilité du génome, épigénétique -  ont bien entendu eu un impact majeur dans les maladies cardiovasculaires : identification de gènes responsables de maladies rares à transmission héréditaire (comme les cardiomyopathies hypertrophiques, la maladie de Marfan, l’hypercholestérolémie familiale) avec un impact direct de ces découvertes sur la prise en charge personnelle et familiale des personnes atteintes ; identification de gènes dits « de susceptibilité » dans des maladies communes dont la transmission génétique est plus modeste et plus complexe comme la maladie coronaire, l’hypertension artérielle, le diabète ou l’obésité.

Ces connaissances nouvelles ont conduit à des avancées considérables dans la compréhension des mécanismes de ces maladies ainsi que l'identification de marqueurs génétiques de sensibilité aux médicaments  (pharmacogénétique) permettant une adaptation de la posologie des médicaments, anticoagulants en particulier.

Tout comme la prescription des médicaments et l'indication des examens d'imagerie, la médecine de précision devrait bénéficier du développement de marqueurs biologiques issus de la génétique et, plus généralement, de ce qui est appelé dans le jargon médical «les omiques».

En effet, il devient maintenant possible de mesurer très rapidement les variations génétiques de chaque individu à travers des puces à ADN ; il est aussi possible de doser de très nombreuses molécules à partir du sang circulant ou de l’urine. Ces dosages complexes permettront de définir pour un patient donné, soit à la phase aigüe d’une maladie – comme l’infarctus du myocarde - soit au cours de la surveillance chronique dans le temps, un profil d’expression « omique » utilisable dans un soin très personnalisé. La complexité des informations correspondantes nécessitera le recours à des programmes informatiques utilisant ici encore l’intelligence artificielle pour aider au mieux le praticien dans la conduite thérapeutique. L’utilisation de produits dérivés des progrès de la biologie moléculaire et cellulaire (thérapie cellulaire) ainsi que l’utilisation des techniques nouvelles d’édition du génome (thérapie génique) ouvre enfin des perspectives pharmacologiques nouvelles pour le siècle à venir.
Les procédures interventionnelles
Dans le domaine interventionnel, des progrès majeurs ont déjà été accomplis au cours de ces dernières années et l’avenir devrait les voir se consolider.

Pour les maladies des artères coronaires, la révolution a été l’introduction des « stents », ces petits ressorts introduits par un cathéter (sous anesthésie locale au pli de l’aine ou au poignet) dans les vaisseaux malades pour dilater les rétrécissements et les maintenir ensuite ouverts (et l’on rappellera ici la mémoire de Jacques Puel, cardiologue toulousain qui fut le premier au monde à implanter un de ces stents en 1986). Des milliers de patients en ont bénéficié dans le monde avec pour corollaire, une diminution des indications du pontage coronaire qui reste cependant nécessaire dans certaines formes anatomiques. Cependant, la visualisation d’un rétrécissement sur une artère coronaire ne préjuge pas toujours de son retentissement et donc de l’éventuelle souffrance du tissu cardiaque dépendant de ce vaisseau. Aussi une technique (FFR pour Fractional Flow Reserve) se développe-t-elle aujourd’hui rapidement qui consiste à mesurer le gradient de pression de part et d’autre du rétrécissement ; elle est basée sur l’estimation de la réserve coronaire pendant une vasodilatation maximale, ce qui permet de quantifier l’impact d’un rétrécissement coronaire dont le degré est litigieux sur la perfusion en aval; au-dessous d’un certain seuil critique, il devient licite d’intervenir et les résultats des grandes études légitiment cette manière d’ « affiner » les critères de revascularisation. Au contraire, au-dessus d’un certain seuil, il est inutile de réaliser la pose d'un stent qui reste un corps étranger (source potentielle de complications). L’avenir devrait voir se développer ces méthodes qui, en complémentant les renseignements purement morphologiques par des critères fonctionnels, permettent de mieux cibler les patients réellement susceptibles de bénéficier d’une intervention coronaire (stents ou chirurgie). Parallèlement, les stents ont été améliorés au fil du temps : structure plus fine (facilitant la pose), enrobage de l’endoprothèse par un médicament pour éviter le phénomène de resténose correspondant à son obstruction progressive (stent « actif »), ou encore développement de stent « résorbable ». On peut aussi, dans ce cadre, raisonnablement espérer voir diminuer la prévalence de la maladie coronaire, comment cela est déjà le cas, grâce aux efforts de prévention centrés sur le contrôle des facteurs de risque (hypertension, dyslipidémie, obésité, diabète) et l’éradication du tabagisme (qui reste toutefois en forte augmentation ces dernières années chez les femmes jeunes).

Pour les maladies des valves cardiaques, la révolution a été l’introduction, que l’on doit au cardiologue rouennais Alain Cribier (2002), d’une technique de traitement du rétrécissement de la valve aortique désormais connus sous l’acronyme de TAVI (pour Trans Aortic Valve Implantation). Le principe est d’utiliser une prothèse biologique (identique à celles utilisées depuis des années en chirurgie), enroulée autour d’un cathéter introduit par une artère périphérique (en général fémorale ou plus récemment carotide) puis déployée sous contrôle scopique en regard de la valve native. Contrairement à la chirurgie qui remplace cette valve calcifiée malade, la technique du TAVI la laisse en place, une dilatation première à l’aide d’un ballon suivie de l’expansion de la prothèse (spontanément du fait de son matériau constitutif ou après gonflement d’un ballon selon le modèle) conduisant littéralement à écraser le calcaire afin de ménager un espace suffisant pour la nouvelle valve. Initialement réservée aux patients « inopérables » du fait de son caractère moins invasif que la chirurgie classique, cette intervention a vu ses indications s’étendre progressivement, et parfois de façon abusive, à des patients plus jeunes et n’étant pas particulièrement à haut risque chirurgical, sous la triple influence des progrès technologiques (miniaturisation des dispositifs), des résultats positifs des grands essais et de la tendance naturelle des cardiologues et des patients à s’orienter préférentiellement vers les méthodes les moins agressives. Néanmoins, cette technique n’est pas une panacée : elle comprend son lot de complications et le recul manque encore pour savoir si la durabilité à long terme de ces valves pliées puis dépliées égalera celle des prothèses chirurgicales pour lesquelles le recul est maintenant de plusieurs dizaines d’années. Si ce problème de la durabilité lointaine n’est pas pertinent pour des octogénaires, il se pose réellement dès lors que l’on s’adresse à des sujets plus jeunes, ce qui est une indiscutable tendance actuelle. Malgré ces réserves, on peut néanmoins s’attendre à une augmentation progressive des implantations de ces valves per-cutanées en position aortique. Pour les maladies de la valve mitrale, des techniques identiques de remplacement et même de réparation sont également en cours de développement, à un stade néanmoins moins avancé mais l’avenir les verra sans doute prendre aussi une place dans l’arsenal thérapeutique. Il est certain que le développement de ces approches interventionnelles a eu pour conséquence une baisse proportionnelle des indications à la chirurgie classique ;  elles ont cependant eu le mérite de contraindre les chirurgiens à réfléchir à des techniques moins « agressives » : le recours à des petites incisions, voire à de simples trous rendus possibles par l’utilisation de robots, en est l’une des conséquences les plus marquantes. L’avenir du traitement des maladies valvulaires verra sans doute l’émergence (déjà amorcée dans les faits) d’un nouveau métier où les limites classiques entre chirurgien et cardiologue s’estompent pour faire place à une prise en charge multidisciplinaire et à l’acquisition de compétences techniques éclectiques permettant d’adapter au mieux le traitement à chaque patient. Le développement de salles dites hybrides où peuvent se réaliser les procédures interventionnelles et chirurgicales sous couvert d’une imagerie de haute qualité est déjà la traduction concrète de ce nouveau type d’approche autour d’une « Heart Team » composée d’au moins 3 membres (un  cardiologue  interventionnel, un cardiologue  non interventionnel et  un  chirurgien cardiaque) et que complètent au minimum un anesthésiste et un gériatre.

Reste le vaste domaine de l’insuffisance cardiaque dont l’évolution est croissante, conséquence à la fois d’un taux de survie considérablement augmenté après un infarctus du myocarde (et qui laisse donc un plus grand nombre de patients survivants à risque de développer une défaillance cardiaque tardive) et du vieillissement de la population. Si les médicaments ont permis de fortement améliorer le pronostic de l’insuffisance cardiaque, il reste cependant des formes graves qui y sont ou y deviennent rebelles et conduisent à considérer des options plus agressives. Elles obéissent globalement à deux grandes stratégies, qui ne sont d’ailleurs pas mutuellement exclusives et représentent l’avenir dans ce domaine. Les options « biologiques » regroupent les thérapies génique et cellulaire. Certes les résultats obtenus à ce jour sont encore modestes mais plusieurs éléments incitent à l’optimisme : l’extension des techniques dites d’édition du génome qui pourraient permettre la correction in situ d’anomalies génétiques à l’origine de certaines formes graves d’insuffisance cardiaque, une plus grande efficacité dans la délivrance des vecteurs utilisés pour amener les gènes « correcteurs » ou les cellules « réparatrices » dans le tissu cardiaque cible, l’exploitation sous forme de véritables médicaments biologiques des substances sécrétées par les cellules souches et dont tout semble indiquer qu’elles en sous-tendent les effets protecteurs sur le cœur. Les options « mécaniques » se discutent dans les formes plus évoluées de la maladie. Si les indications du cœur artificiel total resteront sans doute marginales, il n’en est pas de même des dispositifs intra-thoraciques d’assistance circulatoire. Il s’agit de pompes, qui se sont progressivement miniaturisées (même si elles restent d’une taille conséquente) qui aspirent le sang dans la partie gauche du cœur et le réinjectent dans l’aorte, vers les organes du corps, « court-circuitant » ainsi le ventricule défaillant. Utilisées initialement comme solutions d’attente avant une transplantation, ces dispositifs sont aujourd’hui de plus en plus implantés de façon définitive chez des patients dont on considère qu’ils ne peuvent relever d’une greffe cardiaque classique. Les années qui viennent verront sans doute des progrès dans la nature des matériaux, visant à éviter caillots sanguins et embolies, ou au contraire hémorragies, mais aussi dans la transmission de l’énergie. Aujourd’hui, en effet, cette transmission se fait à partir d’une batterie que le patient porte à la manière d’une ceinture et qui est reliée à la pompe par des fils qui traversent la peau ; c’est là une évidente source d’infection et les ingénieurs travaillent activement à remplacer cette connexion per-cutanée par une connexion trans-cutanée. Compte-tenu des énergies requises, le défi technique n’est pas mince mais s’inscrit comme l’un des objectifs majeurs des années qui viennent pour réduire la morbidité encore associée à ces pompes d’assistance. Enfin, le domaine de l’insuffisance cardiaque devrait, comme d’autres, bénéficier de la médecine dite connectée. Il existe en effet déjà des travaux qui visent à implanter des petits capteurs dans la partie du tube digestif qui est anatomiquement en contact avec le cœur pour enregistrer pressions et débits. Des tee-shirts connectés sont également en cours d’élaboration pour mesurer ces mêmes paramètres de façon beaucoup moins agressive. Le but est de dépister précocement, c’est-à-dire avant l’apparition des signes cliniques (toux, essoufflement, gonflement des chevilles), des modifications prédictives d’une poussée d’insuffisance cardiaque et de la contrôler par un ajustement du traitement médical afin d’éviter la survenue de l’épisode aigu et de l’hospitalisation qui l’accompagne habituellement.

Pierre Joly, docteur en pharmacie, fut président de la Fondation pour la recherche médicale, puis président de l’Académie nationale de pharmacie et de l’Académie nationale de médecine. Il est l’auteur de plusieurs publications dont Les Médicaments du futur, Odile Jacob (2009).
Les droits d’auteurs du livre « La Recherche Médicale, une passion française » seront reversés à la Fondation pour la Recherche Médicale.
Le livre sort le 3 octobre 2019.
Pour le commander (18€) : rendez-vous sur lisez.com ou sur chez tous les distributeurs culturels (FNAC, Cultura, etc.)

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